Accords sensibles
Série: Accords sensibles #1
Auteurs: Régis Hautière, Antonio Lapone
Editeur BD: Treize étrange
Une chronique BD: Génération BD
C’est l’histoire de trois femmes et de trois hommes : Gabrielle, Hanna et Audrey, Simon, Lester et Gordon… Simon aime Audrey mais il est marié avec Gabrielle, Lester et Hanna se sont quittés, Audrey est amoureuse de Gordon qui aime Hanna…
Chassé-croisé sentimental et nostalgique sur fond de pluie, d’Expo 58 et de jazz…
« Accords sensibles » est placé sous le signe du jazz (voyez la superbe couverture façon Blue Note), mais pourtant on dirait un fandango : trois hommes et trois femmes se tournent autour, se satellisent (comme le spoutnik à l’Expo 58) sans jamais vraiment se trouver, chassé-croisé de personnages finissant en impasse, tout en retenue et sensibilité, comme dans le titre. L’album est partagé en quatre chapitres et un épilogue placé comme le morceau caché d’un disque…
« Accords sensibles » est un titre formant un double jeu de mots : accord – accorder dans le sens d’aller ensemble, de tomber amoureux et accord dans le sens d’accorder son instrument puisqu’il est aussi question de musique et surtout de jazz…
On doit cet exercice de haute-voltige au scénariste français Régis Hautière dont le talent a explosé il y a seulement quelques années puisqu’il a signé une foultitude de scénarii que tous les éditeurs s’arrachent, dans des genres très divers, surtout l’aviation (avec Hugault), l’histoire récente (La Guerre secrète de l’espace chez Delcourt, La Croisière jaune chez Quadrants) et antique comme Kaliclès (Soleil). L’homme peut aussi se targuer d’avoir été couvert de prix…
Au dessin Antonio Lapone, graphiste d’origine turinoise ne jurant que par le style atome. Alors que son dessin dans A.D.A. (2 tomes chez Paquet dont un avec Hautière) louchait du côté d’Yves Chaland et de Serge Clerc, avec « Accords sensibles » celui-ci s’est épuré jusqu’à flirter avec François Avril* et le Monsieur Jean de Dupuy-Berberian, tout en gardant son identité propre.
Avec son graphisme très dépouillé, Antonio Lapone réussit un tour de force dans la bande dessinée d’aujourd’hui noyée dans un code graphique qui a tendance à s’uniformiser : il a un style instantanément reconnaissable.
Très impliqué dans cet album qui lui tient à cœur, il s’en est occupé de A à Z, incluant un cahier d’esquisses et se chargeant même des pages de gardes ! En prime, ce clin d’œil autant qu’hommage à Chaland, le temps d’une page l’ami François Avril * ramène les bouquinistes de Bruxelles sur les quais de Paris !
Si vous en avez assez de parcourir des pages pleines d’illustrations formatées aux récits clichés, stéréotypés, prenez ce chemin de traverse, rempli de fraîcheur et de nostalgie où il n’y a qu’une destination… Accords sensibles !
Shesivone
* Hommage mutuel autant qu’amitié, Yves Chaland et François Avril dessinèrent une page dans la BD de l’autre, l’un pour le Voleur de ballerines, l’autre pour la Comète de Carthage.