Le Château des animaux
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Félix Delep
Editeur: Casterman
La résistance par la non-violence
L'hiver a gagné le château. Le climat est rude pour ses habitants, d’autant que le Président Silvio continue de faire régner la terreur… Mais Miss B et ses amis, le lapin César et le rat Azélar, n’ont pas dit leur dernier mot.
Baptisé « les Marguerites », leur mouvement, continue les outrances au taureau dictateur, refusant le port de collier à grelots et exigeant la gratuité du bois pour tous les animaux. Pour être mieux entendus, ces courageux compagnons bravent le froid chaque nuit pour faire un sit-in sous les fenêtres de Silvio. Mais pour Miss B, vaincre la dictature ne peut se faire qu’en évitant le plus redoutable des pièges : la tentation de la violence. Parviendra-t-elle à convaincre ses amis de résister pacifiquement ? Le défi semble bien difficile…
Avis :
Vous vous souvenez de ce premier tome merveilleux du Château des Animaux ? Une histoire de Xavier Dorison, inspirée du roman de George Orwell « La ferme des animaux » publié en 1945 et décrivant, par une fable animalière, le processus de confiscation des idéaux démocratiques par des dictateurs sanguinaires.
Et bien, le deuxième tome est arrivé aux éditions Casterman et on s’en réjouit !
Comme d’habitude pour une telle œuvre, Casterman prépare une belle sortie en nous proposant une édition simple, mais également une édition luxe. Ici, je parlerai de l’édition simple qui est, déjà, un très bel ouvrage.
Premièrement, ce qui attire le regard, une magnifique couverture du dessinateur Félix Delep ! Si, pour le premier tome, il jouait sur les ombres et lumières avec une ambiance très sombre soulignée d’un rayon de soleil, ici, pour le deuxième, il mise tout sur le clair !
En effet, nous découvrons la magnifique Miss B., chatte à la fourrure blanche et personnage principal de cette histoire, sur un fond enneigé totalement blanc. La neige et le vent, nous laissant deviner les silhouettes de ses camarades se tenant derrière elle, prêts à mener le combat…
C’est du réel grand art que de pouvoir créer un tel tableau avec des teintes aussi claires et effacées…. Chapeau bas l’artiste ! J’achèterais bien cette BD rien que pour la couverture…
Nous ouvrons alors l’ouvrage et tombons sur cette même ambiance claire et blanche.
La neige recouvre les bois et les animaux travaillent, comme à leur habitude.
Au fil des pages, nous recevons une nouvelle fois cette claque visuelle que nous avions reçu dans le premier tome. Quel dessin magnifique ! Soigné et en mouvement, les décors sont splendides et la dynamique des cases est recherchée. La colorisation parfaite aidant à créer les ambiances voulues. C’est splendide…
On lit, et on se retrouve de suite embarqué dans cette histoire injuste avec ces animaux travaillant encore plus que d’habitude à cause de cette fameuse « heure blanche » imposée à la fin de chaque journée par leur taureau de président, pour couper le bois censé les chauffer. Sauf, qu’encore une fois, ils doivent payer pour pouvoir en avoir, alors que c’est eux qui fournissent les buches. Cela n’arrête pourtant pas l’envie de Miss B. et César de titiller leur bourreau en lui faisant des farces pendant la nuit. Seulement, suite à cela, les voilà maintenant affublés d’un collier à grelot qu’ils ne peuvent plus enlever…. Impossible de se cacher à présent, il va falloir se montrer pour exposer l’injustice qu’ils subissent.
Et là, commence le problème de l’union. Le sage rat Azélar explique alors ce qu’ils devront faire. Car, c’est bien connu, l’union fait la force. Mais comment unir tous les animaux à leur cause, et surtout en restant pacifistes ? Car la démence de la foule est plus à craindre que la folie du despote. Résister à la colère, la haine et l’envie de vengeance est très difficile !
On lit et, comme d’habitude, on apprend et on acquiesce. Cette discussion nous fait reconnaitre des vérités qu’il nous faut accepter. La violence engendre la violence…. Mais est-ce qu'un despote pourrait vraiment flancher avec une déclaration pacifiste? Il faut avoir du coeur pour ça...
Nous allons donc les suivre le temps qu’ils trouvent un combat qu’ils peuvent gagner, mais surtout que leurs bourreaux puissent accepter de perdre : la gratuité du bois pour tous.
Plus je lis, plus je suis dégoutée. Dégoutée par la cruauté de ces bêtes se tenant au pouvoir. Des bêtes qui nous rappellent nos propres dirigeants… Mais également dégoutée par les autres animaux qui ne bougent pas en voyant leurs camarades souffrir et se battre. Ces animaux qui me rappellent nos propres oeillères... Il faut toujours qu’une minorité subisse les brimades des plus grands et qu’un drame se passe avant que tout le groupe ne se décide à réagir. C’est humain d’avoir peur… Mais c’est également inhumain de regarder tout en laissant faire. J’en ai eu les larmes aux yeux.
Cette histoire met en scène un roman de 1945, pourtant, toujours tellement réel dans notre présent. Peut-être pas de la même manière, mais, surtout en ces temps difficiles que nous vivons pour l’instant. Si tout le monde pouvait faire preuve d’entraide et d’altruisme le monde se porterait tellement mieux… Seulement, on appelle cela de l’idéalisme. Et l’idéalisme, ça ne paie pas bien. Les puissants s’en sortent toujours avec des subterfuges… Et la fin de ce tome nous laisse sans voix…
Je suis, encore une fois, abasourdie par cette histoire qui nous remue de l’intérieur…
Si vous ne l’avez pas encore, procurez-la-vous vite. Ce serait également un très beau cadeau de Noël. Mais surtout, allez chez votre libraire pour vous l’acheter…
Je terminerai cette chronique en vous disant de prendre bien soin de vous, et des autres….