Qatar Le lustre et l'orient
Série: Qatar Le lustre et l'orient, Tome 0
Dessinateur : Emmanuel Picq
Coloriste : Emmanuel Picq
Scénariste : Emmanuel Picq
Scénariste : Victor Valentini
Editeur: Delcourt
Peu de gens savent que le Qatar a tiré profit du commerce de la perle dès l’antiquité, son économie dépendant essentiellement de la pêche aux huitres. Mais lorsqu’en 1893, un Japonais nommé Mikimito Kôkichi parvient à produire des perles de culture, c’est toute une économie à plus de 8000 kilomètres de là qui va péricliter… L’industrie pétrolière prendra assez rapidement la relève épaulée ensuite par l’industrie gazière. Ce n’est encore que plus tard que le Qatar va essayer de pérenniser d’autres rentrées financières (l’épisode des huitres leur ayant appris qu’il ne faut pas se reposer sur une seule ressource naturelle), développant entre autres son « expertise » en matière des sports (propriétaire du PSG) dont le Mondial n’est finalement que l’aboutissement ainsi que la chaîne Al Jazeera…
Pour parvenir à ces fins, ce petit pays qui a acquis son indépendance en 1868, va s’appuyer sur une véritable « dynastie » qu’est la famille Al Thani, encore au pouvoir aujourd’hui. Certains dirigeants seront écartés par leur cousin voire leur fils, mais c’est cette même famille qui tient les rênes du pays dans un contexte parfois fort mouvementé.
En effet, la Qatar est un petit pays très riche qui va susciter la convoitise de ses voisins. C’est aussi un pays assez fier qui aime bien se démarquer des autres pays musulmans en ne faisant pas toujours des choix judicieux (par exemple en appuyant le mouvement des frères musulmans) ; ce qui va lui attirer aussi pas mal d’ennuis. Tenant parfois un discours contradictoire entre tradition et modernité et dans un contexte loin d’être démocratique même si certaines élections y sont organisées, le Qatar est finalement un pays bien complexe qui n’hésite pas à appliquer le principe que la fin justifie les moyens.Qatar, le lustre et l’orient (deux qualificatifs que l’on donne à la perle pour ceux qui s’y intéressent est davantage une bande dessinée didactique dans le sens où elle retrace l’évolution d’un pays dans ses dimensions économiques, sociopolitiques et culturelles.
Loin d’être rébarbative, l’histoire de ce pays dont la taille du territoire est à l’inverse de la démesure de ses richesses naturelles est vraiment passionnante par son caractère atypique, mais aussi par ses différences avec notre bon vieux monde occidental.
C’est un pays qui a adopté une stratégie pour développer son impact politique et économique tout en mettant en place des moyens pour se préserver de ses puissants voisins (sans compter les dégâts sous l’administration Trump). Comme tout stratège, certaines erreurs ont été commises, mais le Qatar s’en est finalement toujours bien sorti.
Ce n’est donc pas pour rien si Victor Valentini, le scénariste, est docteur en science politique, spécialiste de la péninsule arabique à l’université de Clermont Auvergne, on y ressent un réel esprit critique. S’il présente ses cours de manière aussi palpitante que ses scénarios, je reprendrais bien les cours… Le dessin réaliste et soigné d’Emmanuel Picq contribue à la bonne lisibilité des propos.
Au moment où éclate un nouveau scandale de corruption de fonctionnaires européen dont le Qatar serait à l’origine (après le scandale des milliers de morts parmi les ouvriers œuvrant pour les infrastructures du Mondial), on se dit que ce pays n’a pas encore fini de faire parler de lui et pas nécessairement de manière positive !