Mister Prairie
Dessinateur : Ralph Meyer
Scénariste : Xavier Dorison
Coloriste : Caroline Delabie
Editeur: Dargaud
♥ Coup de cœur ♥
Dans le même temps, le chariot du père Wilson est arrêté par Sister Oz, représentante fanatique de la Ligue pour la suppression du vice. Elle a eu vent que le Père Wilson a été appelé au chevet d’Eleanor Winthorp pour la bénir avant de procéder à l’avortement de son bébé. Inacceptable pour elle et son comité de vertu, et elle enjoint le prêtre à renoncer à cette demande. Suite à son refus, elle brandit la bible devant ses chevaux et le chariot de prêtre chute dans un précipice, entraînant le décès du religieux…
Mon avis
Un petit résumé introductif en début d’album rappelle les bases de la série. Ce septième album entame un nouveau cycle et permet de retrouver Rose.
Trois auteurs collaborent à la série : Dorison (scénario), Meyer (dessin) et Delabie (couleurs). Et la particularité est que scénariste, dessinateur et coloriste se réunissent ensemble pour définir les grandes lignes de l’histoire, de leurs envies, des décors et personnages souhaités avant l’écriture du diptyque, et c’est bien entendu Xavier Dorison qui ficelle le tout. Le personnage de Rose fait son grand retour, mais aussi l’apparition de Sister Oz, représentante fanatique de la Ligue pour la suppression du vice, une méchante à la personnalité complexe et à laquelle on s’attache pourtant, comme Sierra la négociatrice de la police dans Casa de Papel.
Sister Oz a de l’éloquence à revendre, elle galvanise les foules, rassure les miséreux, mais aussi menace les bien-pensants si nécessaire comme lorsqu’elle subtilise les courriers grâce à sa nomination d’agent fédéral des postes et télégraphes. Facile ensuite de menacer de révéler les secrets enfouis de certains citoyens pour les rallier à sa cause… Et elle ose la mise en scène théâtrale pour convaincre son auditoire lorsqu’à plusieurs reprises elle use de la roulette russe pour trancher : suis-je dans le droit chemin, ô Seigneur ?
Dorison traite dans ce western pas conventionnel la thématique de l’avortement. Il fait dire à Rose une phrase terrible : « si aujourd’hui ils vous disent quoi faire de votre ventre, demain ce sera quoi ? ». Mais il aborde aussi le racisme et l’étroitesse d’esprit de certains dénoncés lors de la rencontre entre Randolph Prairie et Jonas venus chercher du médical chirurgical chez un confrère du docteur. Des thèmes qui se retrouvent cruellement dans l’actualité d’aujourd’hui…
Ses dialogues sont ciselés, et les maximes selon Jonas sont percutantes comme « Ceux qui vivent sans l’épée mourront en premier » ou encore « « Premier commandement de Washington et Jefferson aux clampins de ce pays : Occupe-toi de tes fesses ! ». Et l’échange entre le docteur Randolph et Jonas vaut le détour :
- Et vous Monsieur Crow, vous étiez de quel côté ?
- Du mauvais.
- Il y avait deux camps…
- J’ignorais qu’il y en avait un de bon.
L’ensemble est mis en image par le dessin extraordinaire de Ralph Meyer. Ses gros plans sont magnifiques et montrent clairement les expressions des protagonistes comme Jonas et son vautour avec l’anneau en page 8, la stupeur abyssale et la détresse dans le regard de Jonas dernière case p13…
Et que dire de ses constructions de page ? L’entame de cet épisode avec deux pleines pages très solennelles à l’ambiance noire et très religieuse…
La superbe mise en scène pour la scène du cimetière page 46, mais aussi les découpages pour la roulette russe page 23 ou encore pour la distribution du courrier confisqué page 47.
Caroline Delabie a brillamment mis en lumières les dessins de son mari pour le plus grand bonheur des lecteurs.
63 pages d’un western aux thématiques très actuelles, et avec un cliffhanger final qui tiendra en haleine le lecteur jusqu’au prochain album intitulé « Le monde selon Oz ».
A noter une version collector chez Cultura et aussi chez BD World avec un cahier graphique de 8 pages supplémentaires et une couverture alternative.
Coup de cœur magistral !
Maroulf