Didier Tarquin
Raphaël Carralcazar Martin: Comment s’est passé votre première rencontre avec Christophe Arleston ?
Didier Tarquin: On a couru au ralenti tous les deux, l’un en face de l’autre, sur une plage (rire……),….., non, non, sérieusement, la rencontre, c’est simple, c’est deux personnes de la même génération qui sont chez le même éditeur, et qui habitent la même région. Fatalement, on finit par se rencontrer.
Christophe Arleston
Arleston est un type qui aime partager, très généreux, et qui avait déjà un très bon relationnel avec les grands auteurs classiques belge, et il m’a pris sous son aile, et m’a présenté la bande à Walthery, Cauvin, etc… et c’était vachement bien pour moi, car cela me permettait d’écouter toutes leurs histoires,…, je ne vais pas dire de vieux belges (rire…) car cela ne va pas leur plaire (rires…)mais des histoires de l’école classique belge, et c’est après qu’est arriver le projet « Monde de Troy », car à l’époque, cela ne s ’appelait pas « Lanfeust ».
RCM: Pensez-vous que « Lanfeust » aurait connu autant de succès en sortant aujourd’hui, qu’il y a 15 ans ?
DT: Je suis certain que non, parce que l’histoire doit sortir au bon moment, et franchement, les conditions et le contexte d’aujourd’hui n’est pas le même.
Je pense qu’une BD comme « Lanfeust » n’aurait pas eu le même succès aujourd’hui.
Maintenant, la il s’agit d’une question dont on aurait jamais une vrai réponse, c’est juste mon sentiment. Je pense que non tout simplement.
« Lanfeust » n’est pas dans le même ton, ce n’est pas le même rythme que ce qui se fait aujourd’hui.
Faire une saga de huit albums, penser sur huit albums, je pense que ça fonctionne différemment de nos jours.
RCM: Aujourd’hui le monde de Troy se décline en plusieurs séries dont naturellement « Lanfeust de Troy », « Troll de Troy », « Conquérants de Troy », « Lanfeust de Troy », etc...
Le monde de Troy est donc né il y a 15 ans, pensez-vous qu’Arleston avait déjà toutes ces idées de séries à ce moment la ?
DT: En fait, oui et non, Arleston, avant d’écrire la première ligne sur le monde de Troy, avant même qu’il me propose le scénario sur le « Monde de Troy », il avait, et c’est un hobby qu’à Arleston, il avait dessiné la carte du « Monde de Troy ». Et dessiner une carte, c’est déjà donner une certaine consistance à un univers, et, il avait déjà des idées et de ce qu’il pouvait se passer à tel endroit.
Le Monde de Troy
Des idées cela n’en faisait pas pour autant des idées de scénarios ou des idées de séries dérivées, non, il n’était pas du tout dans cet état d’esprit, et ne pensait pas que cela allait marcher comme « Lanfeust » marche aujourd’hui.
Mais il y avait déjà la un potentiel pour beaucoup de chose, et beaucoup de choses à l’époque, c’était faire des sagas de huit albums, et beaucoup de choses maintenant c’est faire des séries spin-of.
RCM: Et vous ne pensez pas que trop de séries autour de Troy, ne risque t’il pas de tuer Troy.
DT: La, je vais botter en touche.
Ca c’est aux lecteurs de décider. Il n’y a qu’eux qui puissent dire ça. Parce que je pense qu’Arleston est sincère dans ce qu’il fait, les dessinateurs qui bossent sur les séries dérivées du « Monde de Troy », je pense qu’ils le sont aussi. Ils y mettent leur talent et leur temps ainsi que leur énergie.
Et puis après, j’ai envie de dire que la sentence, c’est le lecteur, c’est lui qui détient les clés.
Donc, si tout cartonne, dans 5 ou 10 ans on dira que c’était le concept et que c’est exactement ce qu’il fallait faire et qu’Arleston avait raison et si ça ne marche pas, tout le monde va dire, ben voila, il a trop dilué la sauce, c’est sa faute. Mais ça, il n’y a que l’avenir qui pourra le dire et l’avenir c’est les lecteurs qui en détiennent les clés.
RCM: Au niveau d’une autre série à grand succès du monde de Troy, «Les Trolls de Troy ». Est-ce que vous n’auriez pas aimé le faire vous-même au lieu de Mourier ?
DT: J’aurais aimé,…, et j’aimerais avoir le talent de Jean-Louis Mourier. J’aurais aimé le faire comme Jean-Louis. Mais je ne suis pas Jean-Louis, donc, il sait le faire à la mode de Jean-Louis.
Jean-Louis Mourier et son Troll.
Non, sincèrement, ma position de lecteur sur les Trolls, c’est la meilleure position. Je n’aurais jamais pu le faire aussi bien que lui. Je le pense vraiment, et je ne suis pas le seul à le dire.
Jean-Louis, c’est un type qui a une main en or, et il anime les trolls d’une manière que je comparerais au travail d’Uderzo. Je fais partie des gens qui vont dans ce sens la.
C’est vrai qu’il a une patte qui est hallucinante.
Et en plus, j’ai envie de dire, je pense qu’il n’y a qu’un Troll pour pouvoir faire une histoire de Troll (rire…) et Jean-Louis, est un Troll quand on le connaît (rire…).
Alors que pour une série comme Lanfeust, ou il y a des beaux gosses, là, il n’y avait que moi (Gros rire…).
RCM: Il y a eu « Lanfeust » en BD, puis en manga,…, à quand une version comics ?
DT: Ben, il y a une idée. Je ne sais pas si ça se fera un jour, mais je n’ai pas le doit d’en parler.
Mais il y a une idée évidemment.
Après, le problème c’est que les personnes qui pourraient s’occuper de faire cela en version comics, ont un emploi du temps très chargé, ce sont des gens qui ont des contrats sur plusieurs années, donc, il faut attendre son tour.
Et puis, à ce moment la, auront-ils encore envie de le faire? Je ne sais pas, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant en fait..
RCM: Un petit scoop pour cette interview
DT: Je ne sais pas si c’est un scoop de dire aujourd’hui que « Lanfeust Odyssey » est un diptyque aujourd’hui, donc le prochain album sera la suite et la fin de ce cycle.
Et après moi, j’aimerai bien qu’Arleston me donne un scoop car je ne suis absolument pas au courant de la suite de l’histoire.
Je suis un peu en aveugle, et je me retrouve dans une position à la fois inconfortable et extrêmement intéressante.
Donc, dès le départ je reçois le scénario tel un lecteur, je découvre ça, et ca permet de casser la routine, ça permet d’aborder cela différemment.
Donc un scoop pour la suite,…, comment dire des aventures de mieux en mieux,…, des bouquins de mieux en mieux dessiné (rire…) , des révélations extraordinaires, et des albums qui feront date dans l’histoire de la bande dessinées (rire…).
RCM: Il y aura-t-il un Tarquin après Troy ?
DT: Déjà, il faudrait qu’il y ait un après Troy (rire…) donc ca voudrait dire que j’arrête, et je n’ai pas l’intention d’arrêter.
Vous avez voulu du « Lanfeust », vous allez en bouffer (rire…). Ah, c’est tant pis pour vous (rire…).
Des projets annexes,…oui, évidemment car je ne suis pas assez monomaniaque pour m’imaginer dessiner que « Lanfeust » et le faire Vitam Æternam.
J’ai d’autres projets, d’autres choses en vue.
Il y a un projet ou je ferais le scénariste, bien que je n’ai pas du tout des prétentions d’être scénariste, ce seront des scénarii de dessinateurs.
Ce projet sera dessiné par Tony Valente, le dessinateur de « Hana Attori » chez Soleil.
Tony Valente est un dessinateur avec beaucoup de talent.
Ce sera l’histoire de petites nanas, dans un univers urbain avec du super héros, de la James-Bond Girl,….
Ce sera assez glamour, avec des flingues, des monstres de laboratoire, des extra-terrestres,…, on mélange le tout et on se fait plaisir, et on sert cela bien chaud dans un album de 60 pages.
RCM: Tarquin dessinateur, scénariste, mais également animateur d’un atelier de dessin, d’où sont sorti quelques dessinateurs de talent ?
DT: Oui, mais ils ne sont pas sorti de cet atelier en devenant dessinateur de BD.
Je ne les ai pas formés, je les ai juste rencontrés. Mon seul mérite la dedans, c’est d’avoir peut être accéléré le processus.
Je leur ai peut être fait gagner 6 mois voir un an ou deux ce qui est bien en plus. Moi j’en suis fier et content de l’avoir fait.
C’est vrai que Bianco, Dutto, Joaquin Diaz sont des gens que j’ai un petit peu suivi. Je me souviens qu’à l’époque ils avaient déjà un fort potentiel, j’ai juste poussé la voiture.
Mais j’ai envie de dire qu’il n’y a pas que ça qui s’est passé, c’est vrai qu’on parle souvent de cet atelier, mais c’est autre chose de plus important qui s’est passé, car à l’époque, je commençais « Lanfeust » et j’ai story-boardé entièrement l’album de « Lanfeust de Troy # 1 » qui avait été scénarisé d’un seul bloc, et j’avais devant moi des gamins de 15 ans et je leur ai donné à chacun le story-board tout en leur demandant à chacun de ne pas communiquer entre eux, et tout les mercredis, j’allais en voir un en demandant ce qu’il en pensait, si il avait tout compris, et c’était génial car j’avais la un laboratoire.
Ils ne se rendront jamais compte à quel point ils m’ont appris, car faire de la BD c’est d’être compris et j’ai passé mon temps à leur expliquer qu’en BD on ne raconte pas une histoire, on l’explique.
Je me suis retrouvé confronter à ça aussi car il y avait des jeunes qui ne comprenait pas, ce qui voulait dire pour moi que je n’étais pas assez explicite dans ma narration. Et cette rencontre avec ces jeunes m’a fait passer à un cap supérieur, et cette rencontre avec ces jeunes est arrivé au bon moment. Encore une fois comme « Lanfeust » est arrivé au bon moment.
Un grand merci à Didier Tarquin pour sa gentillesse durant cette interview pour notre site, ainsi qu'à l'équipe de BD-World Wavre pour leur accueil durant cette rencontre.
Raphaël Carralcazar Martin - Didier Tarquin - Bénédicte Debra
© Raphaël Carralcazar Martin / generationbd.com
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