Interview Henscher - Le Banni # 1

Interview Henscher (Le Banni # 1 - Editeur BD: Le Lombard-
Interview BD:

Henscher

scénariste

Série: Le Banni # 1
Editeur:



Après l’interview du dessinateur de l’excellent série parue au Lombard « Le Banni »,, voici celle de son créateur, le scénariste Henscher, dont nous savons uniquement qu’il est né en 1976 et qu’il est français. Un homme très secret, donc, mais qui se livre quand même :

Shesivan : « Le Banni » est une saga de « médiéval fantastique » et tu n’as pas signé chez Soleil ?
 
Henscher : Soleil faisait en effet partie des éditeurs intéressés par ce projet – ils nous proposaient même de meilleures conditions.
Cela dit, jamais cet éditeur n’aurait pu accorder au Banni la même attention que celle dont nous bénéficions chez Le Lombard. Si on regarde les choses de façon assez terre à terre, le nombre de séries de genre héroic fantasy dans le catalogue de Soleil aurait eu pour conséquence tout à fait logique de noyer le Banni dans la masse.
Donc autant se singulariser chez un éditeur dont ce n’est pas le genre. Cela permet de fait de générer d’autant plus d’attention, les gens étant forcément intrigués par la présence de médiéval fantastique chez le Lombard.
Je dis tout cela après coup, maintenant que nous avons du recul sur l’album et la façon dont les choses se sont passées. A l’origine, tout cela n’était pas « théorisé » et a été fait de façon plus instinctive qu’autre chose.


S
: Qu’est-ce qui vous a décidé à signer au Lombard ?

H
: Pour tout dire, nous ne pensions pas que le Banni retiendrait leur attention. Nous avons été les premiers surpris de leur intérêt pour notre projet. Ceci d’autant plus qu’au départ, la version que nous leur avions envoyée était très inspirée du format américain, avec un découpage complètement éclaté.
Le Lombard est la maison qui compte Rosinski, Desberg, Van Hamme, Xavier ou encore Coyote, parmi ses auteurs. Ce n’est pas rien de se retrouver dans le même catalogue qu’eux ! Donc il ne faut pas négliger l’aspect « prestige » qui influence forcément de (plus tout à fait) « jeunes auteurs » au moment de signer.
Mais surtout, bien plus que toute autre chose, notre rencontre avec l’équipe du Lombard, et Gauthier Van Meerbeck en particulier, l’éditeur qui nous suit désormais, a été un vrai coup de foudre professionnel. Nous parlions des mêmes références, nous avions la même approche du genre, de l’histoire, bref, nous avons su au bout de quelques minutes seulement que nous avions trouvé la bonne maison pour le Banni.
Chose amusante, la rencontre a eu lieu un 14 février. S’il avait voulu nous envoyer un signe, le destin ne s’y serait pas pris autrement !


S
: Le « med fan » n’est pas du tout leur genre, non ?

H
: Pôl Scorteccia nous a expliqué sa conception des choses quand nous l’avons rencontré, et elle nous a paru à la fois pertinente, et très intéressante. Ceci d’autant plus qu’elle nous permettait d’intégrer le catalogue du Lombard.
Le Lombard a entamé il y a quelques années une refonte de sa ligne éditoriale et de son image. La question n’est plus de savoir si tel ou tel projet rentre dans une collection en particulier, mais bien s’ils ont le coup de cœur ou pas pour un projet, et si ils pensent qu’il vaut la peine d’être défendu. Ils publient moins de livres, mais ils y apportent un soin tout particulier.
Du coup, ils s’ouvrent à de nouveaux genres et à des projets plus risqués, moins traditionnels. Mais j’admets que la présence du Banni dans leur catalogue peut surprendre.
C’est très sombre, plutôt violent, assez radical dans l’approche de la psychologie des personnages, de leurs relations entre eux, et la narration est très influencée par les séries télé américaine – je biberonne tout ce que font les HBO, Showtime and autre Fx. (Cela dit je ne suis pas le seul, interrogez donc Benec sur les références qui ont nourri Sisco)
Donc oui, nous sommes encore tout surpris de faire partie de la maison. Mais absolument ravis.


S
: Seriez-vous la tête de pont d’une nouvelle collection, d’un dépoussiérage du catalogue de cet éditeur ?

H
: Le Banni est publié hors collection et je ne suis pas certain qu’il ait vocation à devenir le fer de lance d’un nouveau label. C’est peut-être à la fois un peu tôt et surtout un peu présomptueux, si ce n’est prétentieux, pour envisager cela. A mon sens, une série comme Croisades aurait bien plus son rôle à jouer dans cette perspective.


S
: Apparemment, le Lombard croit en cette saga puisque « Le Banni » figure en couverture de COM #64, le catalogue bimensuel du Lombard ?

H
: Nous avons surtout la chance d’être lancés à une période assez calme en ce qui concerne les sorties. Non qu’il n’y ait pas de mastodontes en même temps que nous, mais nous avions choisi, avec l’éditeur, de repousser la sortie du premier tome afin de laisser passer Noël. Et ainsi, d’éviter de noyer l’album dans le flot des sorties juste avant les fêtes de fin d’année.
Assez logiquement, nous sommes donc beaucoup plus visibles.
Nous disposons également du soutien enthousiaste de toute l’équipe du Lombard, avec laquelle nous entretenons une vraie relation d’auteurs à éditeur, une denrée suffisamment rare de nos jours pour être soulignée.


S
: Ré évoquons le « médiéval fantastique » (je ne m’y habitue pas, je préfère toujours heroïc fantasy, j’avoue ne pas voir la différence). Serais-tu un amateur de ce genre littéraire ?

H
: La différence entre les deux (héroique fantasy et médiéval fantastique) est ténue mais elle existe. C’est une question d’approche, d’angle, un peu différent, souvent plus directement « adulte » dans un cas (le médiéval fantastique) que dans l’autre.
Le médiéval fantastique est plus proche d’un Moyen Age imaginaire, alternatif. Il est doté parfois de Merveilleux, donc de surnaturel, mais il évite quasi systématiquement le bestiaire habituel (dragons, elfes, nains, et autres orcs) dont je suis cependant effectivement assez client, pour ce qui est de mes goûts personnels.
J’ai aussi une loooongue carrière de joueur de jeux de rôles derrière moi (mon père m’y a mis quand j’avais 8 ans), donc j’ai baigné tout petit dans ce genre d’univers.


S
: Si oui, quels sont tes auteurs préférés ?

H
: S’il ne fallait en citer qu’un, ce serait George Martin, l’auteur du Trône de Fer, dont l’influence sur la création du Banni a été déterminante.
Je suis entièrement en accord avec sa façon d’envisager le genre, au sens où il considère le médiéval fantastique comme de la littérature sérieuse, qui permet autant que les autres de traiter de vrais sujets de fond, comme la politique ou de créer de vrais personnages, complexes, très humains, loin des clichés souvent manichéens et unidimensionnels qu’on peut trouver dans pas mal de productions – d’où la « mauvaise réputation » de cette littérature.
Sinon, bien évidemment, comme beaucoup de gens, le Seigneur des Anneaux a changé ma vision de l’imaginaire tout court, d’autant plus que je l’ai lu très jeune. J’ai également été très marqué par ma découverte du cycle d’Elric de Melnibonée, de Michael Moorcock. De manière générale, j’ai un faible pour les antihéros, les personnages avec des fêlures larges comme le Grand Canyon. A ce titre, je crois qu’Elric est le champion toutes catégories.


S
: Tu es allé présenter ton bouquin à Angoulême. Qu’attendais-tu de ce festival?

H
: De le faire, tout simplement, en tant qu’auteur. De passer derrière le miroir et de vivre cette expérience – assez éreintante mais très réjouissante – au moins une fois une dans ma vie !
Plus sérieusement, j’en attendais avant tout de rencontrer le public du Banni. Les auteurs de BD sont souvent coupés de la réalité de leur lectorat, que ce soit une poignée de fans ou une foule en liesse. Donc les séances de dédicace sont un bon moyen de mettre des visages, des mots, parfois des profils type, sur ceux qui nous font auteurs.
Ensuite, Angoulême est LE festival où il faut être pour communiquer sur son album, ne nous voilons pas la face. C’est la seule semaine dans l’année où la presse généraliste daigne s’intéresser à nous. Donc évidemment, j’espérais pouvoir en parler à un maximum de journalistes.
Enfin, j’espérais y croiser plein de copains auteurs. Paradoxalement, c’est encore ce qui est le plus dur à faire. Pour une fois que nous sommes tous réunis sur trois kilomètres carrés, nous avions tous des agendas surchargés ! Au bout du compte, je n’ai pas réussi à rencontrer 5% des gens que je voulais voir.

Tarumbana
S
: Comme s’est passée ta rencontre avec Tarumbana ?

H
: Notre rencontre illustre parfaitement combien Internet a changé la donne pour les auteurs, pour le meilleur comme pour le pire – la rencontre est à ranger dans le meilleur, bien sûr !
A l’origine, je travaillais avec un dessinateur sur le Banni, qui a décidé de renoncer, car il avait d’autres envies. Me retrouvant avec un script orphelin, je suis tout naturellement allé le pitcher dans la section Scénario du Café Salé, la plus importante communauté graphique francophone – dans laquelle j’officie comme modérateur.
Tarumbana a été accroché par le pitch et il a fait une planche d’essai - la page 6 du tome 1, pour les curieux. Est-il nécessaire de préciser que j’ai pris la claque de ma vie en recevant la page finalisée ?
Nous avons ensuite travaillé un long, long moment sur le dossier.
En effet, à l’époque, Tarumbana gagnait sa vie autrement que par le dessin donc cela a pris du temps. Et il a fallu que Julien Blondel nous pousse à le présenter pour que nous décidions que le projet était prêt.
Je suis donc allé vendre le projet à Angoulême (en 2008), avec mes petits dossiers sous le bras. Paradoxalement, je n’y ai pas rencontré les gens du Lombard, auxquels nous l’avons envoyé par mail.
Notre rencontre en chair et en os s’est faite quelques semaines après Angoulême, lorsque Tarumbana (qui vit à Bruxelles) est venu me voir à Paris à l’occasion d’un entretien avec un éditeur. Cela faisait 9 mois que nous travaillions ensemble…
De fait, sans Internet (et sans le Café Salé), notre rencontre n’aurait jamais pu avoir lieu, et il est probable que nous ne serions pas chez Le Lombard.

Le Seigneur des couteaux
S
: Qu’en est-il de ton autre bébé publié chez Casterman « Le Seigneur des couteaux » ?
 
H : Le « Seigneur » va bien, je te remercie de prendre de ses nouvelles. Le second et dernier tome est en cours de réalisation, la sortie est prévue pour fin août, début septembre 2010.
Nous prenons un peu notre temps, mais Fabien Rondet, le dessinateur et coloriste, a un boulot très prenant dans le « civil ». Du coup, même en mobilisant tout son temps libre pour le projet, cela prend un peu de temps, surtout quand on veut faire les choses bien. A cet égard, Casterman nous laisse toute latitude, ce dont nous ne les remercierons jamais assez.
Sans vouloir m’avancer, les planches que je reçois sont particulièrement somptueuses, donc la patience des lecteurs devrait être récompensée. Pour ce qui est de l’histoire, je les laisse seuls juges. Je suis plutôt mal placé pour dire ce qu’elle vaut !

Shesivan

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