Interview BD "Olivier Grenson" - Lauréat César BD d'Auderghem 2010 (BD tout public)

Interview écrites de Grenson Olivier: César BD Auderghem 2010
Interview BD:
Lauréat César BD d'Auderghem 2010
Olivier Grenson
dessinateur

Série
: La femme accident
Editeur: Dupuis

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Olivier Grenson c’est du bon, c’est du belge, c’est du rock, c’est de la magie, blanche ou noire, de l’aventure, c’est l’histoire d’un destin, la « Femme accident », cette femme trop belle pour l’univers grisâtre du sud du pays, se brûlant les ailes aux lumières de la ville, mais qui finira par retourner à ses origines… C’est tout naturellement que ce dyptique s’est imposé comme César 2010 de la meilleure BD. Shesivan revient avec Olivier Grenson sur sa carrière…

Shesivan
: Qu’est-ce que cela vous fait de remporter le César de la meilleur BD ? Sentez-vous sur votre nuque le vent doux et chaud de la reconnaissance, le regard bienveillant du public et de vos aficionados ?

Olivier Grenson : Oui, ce prix me fait énormément plaisir. Après avoir été nominé plusieurs fois(7) il vient, avec le prix de « l’Ange Gardien » du festival du Roeulx et « la serpe d’or » que je reçois fin mai à Lille, il vient couronner quelques années de travail sur cette histoire écrite par Denis Lapière. Cette aventure marque un nouveau tournant dans mes différentes réalisations et ce portrait de femme me tient particulièrement à cœur. Bien sûr que c’est une reconnaissance, on en a tous besoin, on fait ce métier pour communiquer sa passion au plus grand nombre. C’est aussi le côté populaire de la bande dessinée qui m’a attiré. Cette étrange alchimie du travail isolé, seul, pendant des mois et la diffusion qu’on espère tous la mieux réalisée. Toutes les réactions que je reçois sur FB me vont droit au cœur et je n’en suis jamais sevré. D’autant plus que j’ai décidé avant de reprendre Koda de prendre à nouveau des risques, me remettre en question en écrivant et en dessinant une histoire de 150 pages. Ce n’est pas sans perte de confiance, sans doute et ce prix fait partie des encouragements qui me font aller de l’avant.



SH : La collection 3 ème vague du Lombard est en train de chercher sa nouvelle vague avec des ingrédients pas si neufs : nouvelle série (l’ ultra-violent « District 33 »), spin of (IRS), la jeunesse de (Alpha). Y a-t-il des changements prévus pour Niklos Koda ?

O.G. : Le monde de la bande dessinée continue a évolué très vite. On ne peut plus « s’asseoir » sur une série toute une vie sans se poser de questions. La collection évolue et Niklos Koda trouvera un nouvel envol avec la deuxième saison. Sans doute un nouveau format et une nouvelle maquette, mais surtout un numéro 11 qui devrait se lire comme un numéro 1.
C’était important après dix ans de travail avec Jean Dufaux de s’interroger sur l’avenir de Koda et de la direction qu’allaient prendre ses aventures. Il n’a eu de cesse d’évoluer psychologiquement depuis le n°3, maintenant que la «famille » est recomposée, c’est un nouveau départ… j’espère 10 albums de plus.


SH : Quelle est la différence entre une BD en couleur directe et une livrée à un(e) coloriste ?

O.G. : Depuis le début, j’ai toujours eu envie de faire mes couleurs. Mais j’ai toujours douté de mes goûts en la matière. Mon premier album a été colorisé par Bruno Marchand, un maître au même titre que Frémont ( coloriste d’Herman à une époque ) Difficile de faire mieux… Denoulet m’a suivi sur Carland Cross et sur Koda avec talent, mais j’avais gardé depuis des années l’envie de réaliser une histoire en couleur directe, c'est-à-dire dessiner par la couleur et la lumière. Un travail complet. Le premier projet de couleur directe remonte en 1988 , je n’ai réalisé que 3 pages et c’était avec … Lapière. Mais le projet n’a pas été présenté. Je n’ai jamais voulu suivre une mode ou prouver quelque chose , il fallait juste le bon projet et le bon moment.


SH : Connaissez vous Loutte (le dessinateur de la jeunesse d’Alpha), apparemment vous avez partagé le même scénariste (Oleffe) ?

O.G. : Nous étions collègues à l’époque des éditions Lefrancq avec le même scénariste. Nous avons usé notre falzar sur les même bancs à l’académie de Chatelet, mais pas ensemble. Je suis heureux que tout son talent continue à s’exprimer sur une série comme Alpha. Un dessinateur de précision, jusqu’au boutiste et passionné du détail. Une force tranquille.


SH : Pour l’instant vous êtes en train de travailler en solo sur un grand projet intitulé « Oublier à jamais » pour la collection « Signé » du Lombard. Pourriez-vous nous en parler et où en êtes-vous ?

O.G. : « Oulier à Jamais » est une histoire qui est née sur le 32ème parallèle, frontière entre la Corée du nord et la Corée du sud. Même si elle s’inscrit dans l’Histoire de Corée, ce n’est pas une histoire sur la Corée, mais plutôt une histoire de famille déchirée sur plusieurs générations. J’y développe le point de vue d’un jeune homme de 28 ans qui vit à SF et celui de son grand-père mort à la guerre de Corée en 51. Ce sont deux histoires d’amour qui se sont écoulées séparément mais qui ont une étrange résonance …c’est aussi la faculté à rebondir face aux tragédies de la vie, de s’adapter ou de se reconstruire quand on croit que tout est perdu. Je profite de la confrontation de pays aussi différents que les USA et la Corée du Nord pour parler des paradoxes de la vie. La vie n’est-elle pas un perpétuel paradoxe ?


SH : Est-ce plus facile ou plus difficile d’être son propre scénariste ?

O.G. : C’est différent. C’est un travail de plus longue haleine. J’ai voulu aussi réfléchir sur la forme, la manière dont j’allais interpréter et transcrire mon histoire. Cette histoire, je n’ai pas été la chercher, elle est venue à moi, petit à petit. Elle s’est révélée naturellement, ponctuée de doutes bien sûr, mais l’écriture est toujours restée un plaisir comparable au dessin. Etrangement, je me suis rendu compte de l’importance du travail du dessinateur et de sa difficulté lorsque qu’on collabore avec un scénariste. C’est un travail de fou, très physique. Je le compare souvent à un sportif de compétition. Il y a toujours une notion de temps et de course avec le temps lorsqu’on dessine. Le travail de scénariste est beaucoup plus reposant.
Mais il demande d’aller beaucoup plus au fond de soi, alors que le travail du dessinateur est plus intuitif. Ecrire, c’est ré-écrire. Ciseler continuellement, construire jour après jour en revenant régulièrement en arrière. Etre auteur complet est un vrai bonheur. Mais je continuerai à alterner séries et one-shot en espérant me remettre à l’écrire dans le futur.
Cette réalisation en solo me permet d’aller plus loin, de me réaliser et de me remettre en question. Quelque soit le résultat, j’aurais appris énormément, sur moi et sur mon travail.


SH : Est-ce que cela signifie que Niklos Koda est mis en veilleuse ?

O.G. : Je reprendrai Koda avec beaucoup d’enthousiasme d’ici 2012. Nous avons encore beaucoup de choses à développer avec ce magicien si particulier. Le plaisir de retrouver Jean et cet univers singulier. La « pause » ne fait que raviver la flamme.


SH : Et Carland Cross, il est mort et enterré ?

O.G. : Enterré c’est un bien grand mot. On continue à m’en parler, je continue à le dédicacer. C’est une autre époque, il rassemble tous mes défauts, mais aussi beaucoup de charme. Il lui manquait un petit quelque chose pour être moins une référence de Jean Ray et de Conan Doyle. Il lui manquait un bon éditeur…


SH : D’où vous vient cette envie de créer CC ? Seriez-vous de cette génération Marabout qui a découvert Jean Ray et Harry Dickson ?

O.G. : Cross est né de ma rencontre avec Oleffe et Lefrancq. Ils voulaient réaliser des aventures originales d’Harry Dickson, J’ai proposé d’en faire un personnage original à la manière de Jean Ray.( une idée de Sylvie, ma femme ) Bien m’en a pris, les dessins animés n’aurraient jamais vu le jour !


SH : Si on vous laissait le libre choix d’une série, d’un héros, qu’aimeriez-vous dessiner ?

O.G. : L’histoire que j’écris pour l’instant est une histoire qui pose un regard sur notre monde et ses dérives, ses institutions, recherches de pouvoir et de domination. Mais toujours cette manière qu’à l’homme à résister et à rebondir face aux pires tragédies de la vie. Le paradoxe du bien et du mal qui se percute en nous. J’ai des titres aussi qui pourraient devenir des histoires …comme « l’arbre aux mille couleurs » ou « là où les anges se rebellent »…
Je continuerai aussi à développer des portraits de femmes à l’instar de « la femme accident ». Mon envie, au départ, était de faire 3 portraits avec 3 scénaristes différents. En gardant le même contexte social présent et industriel. Il m’en reste encore 2 à faire … j’ai encore le temps…

SH : Vous qui êtes un dessinateur traditionnel, que pensez-vous de cette génération work/photoshop ?

O.G. : Dans le futur, un outil indispensable… je suis lent et je prends le temps de m’y mettre à mon rythme, mais c’est devant moi un outil très performant . Je constate que la combinaison des outils est toujours le meilleur atout.



SH : Vous êtes très rock ‘n roll, on dirait ?

O.G. : C’est sympa de le constater, ça veut dire que vous avez fait attention aux détails…
La musique a toujours été un moteur. C’est un art que j’aurais voulu pratiquer. J’ai essayé, mais sans talent, j’ai vite abandonné. Le rock, c’est une énergie, j’y puise la mienne. C’est un refuge aussi, un réceptacle des émotions. Il a toujours accompagné mon parcours.
Des albums comme « Animals » de Pink Floyd ou « Heros » de Bowie sont des « repères ».
Il y a des albums qui ont vieilli, mais d’autres que je peux réécouter des centaines de fois.
Il y a des albums qui accompagnent la réalisation de mes histoires. Le tome 2 de la femme accident est lié à la musique du film de Peter Gabriel « la dernière tentation du Christ. », même si la préface est une phrase de Patti Smith, une grande artiste !



SH : Ca ne vous dirait pas de faire une super-série avec de l’action, de l’humour et tout et tout avec un (pas trop) jeune scénariste prêt à tout ;o))) ?

O.G. : Pourquoi , vous avez un scénario en béton à me proposer ? Clin d'oeil

Shesivan



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