Rencontre avec Régric à la cafet’ du CBBD et de prime abord la discussion démarre sur la vente au enchères des oeuvres de Jacques Martin. Des regrets sont exprimés devant la dispersion de ce patrimoine inestimable. Voilà un artiste réduit à une valeur foncière.
Mais basta, nous ne sommes pas là pour cela. Dés la découverte de la couverture de « L’Eté indien d’une Mini » et de son contenu c’est la surprise de se trouver face à un auteur qui manie la ligne claire avec autant de talent que ses illustres prédécesseurs : Hergé et Bob De Moor. Régric ne s’en cache pas.
Shesivan : Quelques mots à propos de « L’Eté indien d’une Mini » ?
Régric : Le projet a démarré suite à une discussion avec Olivier Marin, un des auteurs vedettes de la collection Calandres de l’éditeur Paquet. Il m’a fait savoir qu’il était question d’un projet d’album autour de la Mini, mais que tout restait à faire. Je lui ai dit que cela m’intéressait, j’étais motivé parce que j’ai une mini ! J’ai insisté sur le fait de réaliser l’album en ligne claire…
Shesivan : Etes-vous au départ un auteur ligne claire ?
Régric : Oui, d’une certaine manière, j’ai toujours aimé cela et comme j’ai eu l’opportunité de travailler avec Jacques Martin, j’ai été à cette école de dessin depuis toujours.
Shesivan : Vous rendez hommage surtout à Bob De Moor ?
Régric : Oui, Hergé, De Moor, ce sont les deux auteurs ligne claire qui m’ont le plus marqués.
Shesivan : Ce n’est pas Jacques Martin qui vous a le plus marqué ?
Régric : c’est vrai, je lui dois beaucoup, il m’a permis de commencer dans la BD. Et puis il a quand même passé 19 ans au studio Hergé, d’une certaine manière il est impliqué dans « l’affaire » ligne claire.
Shesivan : Comment a débuté votre collaboration avec Jacques Martin ?
Régric : Je lui ai écrit en lui proposant de travailler avec lui, je n’avais aucune idée de ce que j’allais pouvoir faire… comme c’était le dernier des grands de l’époque des studios Hergé, j’ai pris contact avec lui et j’ai été surpris de recevoir de sa part une très longue réponse sous forme de lettre où il m’expliquait ses projets autour de l’automobile et de l’aviation. J’ai fait des tests et finalement trois albums avec lui pour les « Voyages de Lefranc ». Après quoi je suis passé à Lefranc en BD.
Shesivan : Vous allez continuer Lefranc ?
Régric : Oui, j’en termine un et un autre de prévu pour 2013. Je suis pas mal occupé avec ça.
Shesivan : Qu’aimez-vous le plus dessiner, les voitures ou les personnages ?
Régric : Les personnage ce que j’aime avant c’est raconter des histoires avec des personnages, les voitures ne sont que des accessoires
Shesivan : « La Mini » est-il destiné à devenir un one shot ?
Régric : En tout cas c’est une histoire complète. Tout dépendra du succès de l’album mais il y a de la matière pour faire une série . J’ai créé un univers avec mon héroïne, il y a un potentiel d’histoires inépuisables. Finalement, ce sera la décision de l’éditeur…
Tous les albums chez Paquet commencent par des one shots et suivant le succès le concept est développé ou non.
Shesivan : Avec ou sans voitures ?
Régric : C’est à voir, une histoire sans voiture n’est pas un problème, mais si je reste dans le cadre de la collection Calandres, il faudra des voitures...
Shesivan : La ligne claire est votre style « naturel » ?
Régric : La ligne claire oui, le style que je prend pour les Jacques Martin est un dérivé de la ligne claire, la structure est la même, on rajoute des ombres, des détails…
Shesivan : Dés qu’il y des ombres il n’y a plus de ligne claire ?
Régric : Exactement
Shesivan : J’ai eu droit à une leçon de la part de l’inventeur du terme Joost Swarte !
Régric : Ceci étant on peut trouver dans les albums d’Hergé des ombres et même des dégradés. Hergé a toujours dit qu’il travaillait en aplats mais il n’est pas resté sur des principes inaliénables. Dans les dernières aventures, il y a des ombres sous les voitures. Dans des albums comme le sceptre d’Ottokar il n’y a pas d’ombres… Il y a une évolution.
Shesivan : Vous êtes un auteur traditionnel, crayon papier ?
Régric : Crayon papier plumes ET encre de chine, cependant coloriage à l’ordinateur. Il n’y pratiquement plus de coloriage traditionnel, les éditeurs ne veulent plus en entendre parler. Cela a l’avantage qu’on peut changer de couleur en un clic, c’est très impressionnant !
Shesivan : Vous êtes plus De Moor que Hergé, dans cet album les attitudes de personnages sont beaucoup plus caricaturales que Tintin ?
Régric : J’ai travaillé pas mal d’années dans le dessin animé et j’ai gardé quelque chose du mouvement exagéré qu’il peut y avoir dans le mouvement des personnages de dessin animé.
Shesivan : C’est vrai vous avez bossé sur Lucky Luke !
Régric : Je n’ai pas fait les personnages, je m’occupais des décors, sur la série et les longs métrages… Et j’ai rencontré Morris !
Shesivan : Quelles sont les différences entre un album et un dessin animé ?
Régric : Sur une BD on fait tout : les personnages, écrire les dialogues, dessiner les décors, connaître la perspective, les engins… Sur le dessin animé tout est compartimenté, l’animateur fait l’animation, un autre crée des modelsheet, il y a le gars qui s’occupe des décors, la mise en couleur des décors. Moi j’étais dans le décor.
Shesivan : Heureusement que ce n’était pas pour la « Mini » ! Vous vous retrouvez votre propre scénariste ?
Régric : C’est plus difficile parce que si l’album ne marche pas il y a moins de responsables puisque moins d’intervenants. C’est difficile de tout faire, le scénario, les dialogues, la mise en scène, le découpage et finalement le dessin proprement dit, c’est plus de boulot, forcément.
Mais c’est une liberté aussi, on n’a pas à se disputer avec quelqu’un d’autre pour imposer ses idées et dés qu’on en a une on la modèle et on l’incorpore au scénario, c’est un luxe formidable !
Shesivan : Pour la « Mini », vous avez pris un personnage féminin ?
Régric : Oui, surtout pour m’éloigner – je préfère dessiner des garçons – des Tintin, des Barelli, ne pas être accusé de plagiat ! Malgré cela c’est plutôt coton de s’identifier à un personnage qui porte une mini-jupe et des bottes blanches !
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