SERGE DEHAES ET MADEMOISELLE F

Celle de Mademoiselle F est vivante, très vivante, parfois de vipère, jamais tournée sept fois dans sa bouche, parfois mauvaise, surtout bien pendue, jamais dans sa poche ni sur le bout et n’a pas de cheveux dessus. Elle change d’avis – et elle en donne sur tout – comme de chemisier(s), mais à force d’avoir des défauts on finit par y retrouver un des siens et c’est pour cela qu’on l’aime…

Rencontre avec le créateur de la créature :

 

 

Mademoiselle F est née il y a huit ans dans le magazine Flair. C’est F comme Flair mais aussi F comme femme, je n’y ai pas beaucoup réfléchi mais c’est sans doute une référence au magazine. La rédactrice en chef de l’époque m’avait demandé d’imaginer un personnage récurent, alors j’ai beaucoup travaillé sur l’enveloppe extérieure du personnage. J’ai fait du « beau » mais sa personnalité a été une totale improvisation. Je suis parti dans tous les sens. Au fil des dessins elle est devenue un vrai concentré de paradoxes ! Elle est tout à la fois femme fatale, amoureuse, au régime, gourmande... On la voit avec des enfants, sans… Au début j’étais libre de m’exprimer sur tous les thèmes mais plus tard on m’a demandé de calquer mes dessins d’après des thématiques bien précises, des sujets du genre : « je largue mon petit ami sur facebook ».

Il y a aussi le côté volage du personnage. J’ai du mal à dessiner le même personnage mais là j’étais obligé, alors pour les personnages masculins je me suis dis que j’allais faire un autre homme chaque semaine. Par paresse mais je l’attribuerais aussi à son infidélité !

Mademoiselle F a évolué avec le temps, au début j’avais imaginé un personnage plus seventies. Comme dans Flair il y a pas mal de pages de mode, je regarde les tendances et comme on vit dans un revival éternel et qu’on revisite pour l’instant les années septante… Au niveau décor, mobilier, j’aime bien puiser dans les années soixante.

Sur facebook j’ai été censuré une fois. Je m’en suis étonné et le magazine Flair qui avait publié ce dessin s’y est intéressé. Pour bloquer un dessin, il faut que 5 personnes portent plainte, donc dans mes contacts ! C’est un nombre impressionnant : cinq personnes offusquées !

Comme j’avais un stock et que j’avais envie de lui donner une visibilité, j’ai posté tous mes dessins sur Facebook, c’est l’outil idéal pour cela. Pleins de gens veulent acheter mon bouquin à cause de ma prépublication ! Le lecteur de Flair n’est pas le public idéal pour promouvoir un recueil de dessins d’humour. Sur facebook, il y a moyen de voir la part de personnes qui suivent la page et il y a autant de français que de belges avec 40 % d’hommes pour 60 % de femmes.

Aucunes de mes BD n’est destinée à l’amateur de BD classique. En fait, je fais des BD à lire aux toilettes. Parce que tu es libre de lire le nombre de pages que tu veux, tu feuillettes car il n’y a pas de début ni de fin. Mais j’ai tenu à ce qu’il ait une ligne de cohérence. J’ai donné un rythme, mélangé des moments plus forts que d’autres. Jean Luc Cornette (mon éditeur) souhaitait octroyer à certaines pages un seul et unique dessin, l’idée étant qu’à la librairie on feuillette le bouquin et on tombe dessus … curieusement ce sont les dessins sur le sexe qui sont les plus grands !

Ma fille de neuf ans a regardé ça et trouve ça rigolo, il n’y a rien de « chaud »

On y retrouve la même gentillesse que dans le chat de Geluck, ce n’est jamais méchant, ça reste bon enfant, pas d’humour caustique ou cynique.

Ce qui fait son intérêt par rapport aux autres séries que j’ai publiées, c’est que les gens semblent s’y retrouver plus facilement, autant les hommes que les femmes. Ça répond à leur quotidien, à leurs attitudes. Souvent les gens me complimentent dans les idées que j’ai développées. Il y a là un étonnant paradoxe parce que c’est personnage plein de défauts et les gens ont quand même envie de se l’approprier. Ce n’est pas un personnage creux, dans le même régistre que Tintin. Mademoiselle F a une véritable personnalité, même très complexe, une série de petites nuances qui font qu’elle attire de par ce mystère parce qu’on ne sait pas sur quel ton elle va aborder les choses. Elle allie à la fois l’intelligence et la bêtise, elle est très futée et puis très naïve. C’est l’idée de projection que les gens ont vis à vis d’elle. Parfois tu es dans ton monde et tu peux passer à côté d’un trait d’humour s’il est décalé. F fonctionne sur ce registre… Cela ne gêne pas que ce soit un personnage féminin, comme cela fait que je travaille depuis une quinzaine d’années pour la presse féminine, que j’illustre des thématiques féminines, cela devient une « seconde nature ». Je ne me sens pas moins homme pour autant, le simple fait d’aimer les femmes fait que tu puisses avoir envie de les comprendre !

Sur facebook une femme m’a écrit : « Je sais que vous êtes un homme mais je vous remercie pour la femme que vous êtes ». Si j’avais été camionneur avec de gros tatouages je ne l’aurais pas pris comme compliment !

 

Mademoiselle F fait l’objet d’un battage médiatique puissant : une page quotidienne dans la DH, une page dans un des nombreux suppléments du Soir, un numéro de Flair entièrement commenté par la belle rousse ainsi que de la pub sur une radio connue. C’est normal, vous allez dire, DH sont les initiales de Dehaes, Soir celles de Serge et il bosse pour Flair. Quant à la radio, je n’ai aucune explication. Permettez-moi tout de même d’avoir un paradoxe, ce n’est pas un privilège réservé à la rousse qui s’aime aux quatre vents ;)

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