COSMOS - DRUILLET EN NOIR ET BLANC

Si Philippe Druillet était un monument, ce serait le monolithe de 2001, l’Odyssée de l’espace, film pour lequel il a une grande admiration. Cela fait près d’un demi-siècle qu’il a pondu sa première BD, qu’il a ouvert les portes de son univers qui sont loin de se refermer car il en explore chaque pan, à l’infini et sous des formes diverses ; bande dessinée, tableaux, sculptures, tapis, mobilier, décors de films et de séries...
‘Cosmos’ organisé par Petits Papiers Sablon le mettra en scène avec un de ces vieux potes, Hervé Di Rosa, un autre fana de BD. 
Une expo de tableaux, mais jamais il ne reniera le neuvième art à qui il a donné une grande partie de ses lettres de noblesse. Une expo en noir et blanc. Après le Druillet fauviste, voici le Druillet expressionniste…
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Pour l’expo ‘Cosmos’, j’avais envie de revenir au noir et blanc. Il y a 4 ou 5 ans, j’avais réalisé une série de dessins pour une galerie, des noir et blanc avec des yeux rouges comme Sloane. Je suis parti dans un délire pendant deux ans, je me suis éclaté en faisant tous les types de formats, car il en faut pour tous les publics et quand tu fais du grand format, tu as envie de te reposer sur du plus petit. Pour Cosmos, j’ai réalisé trois hommages à Stanley Kubrick, 2001 est un chef-d’œuvre, chaque plan-séquence est un tableau. Je me suis éclaté, c’est quand même le rôle de l’artiste, de ne pas se faire chier ! L’aventure de l’artiste c’est de toujours se remetre en question, de s’agrandir, de complèter des choses, de découvrir des univers, j’ai encore cette frénésie. Quand j’ai arrêté la BD en 87, tout le monde me disait que je ne faisais plus rien. En fait je n’ai jamais autant peint, autant dessiné, autant sculpté, autant fait des affiches de films, des séries télés, des CD Roms, je suis un artiste multimédia. Autant tu t’es lassé de quelque chose, tu as été au fond, tu attaques un autre truc. J’ai cette chance d’être connu, de pouvoir vivre de mon art. C’est ma recheche personnelle, je mourrai le pinceau à la main. J’ai toujours fait de la peinture mais je revendique mon statut d’auteur de bande dessinée, c’est cet art qui m’a fait naître. Je me suis battu pour que le la BD soit reconnue, mais le combat continue. J’ai envie d’aller à droite et à gauche, j’ai passe ma vie à me faire engueuler par ceux qui achetaient mes peintures quand je faisais de la BD et l’inverse. Ca fait partie du jeu.

Je me sentais coincé dans ma dernière BD Délirius 2… Je fais des grands formats, ce qui fait que très tôt j’ai eu affaire à des amateurs d’art contemporain qui m’ont dit qu’au mur ma planche vivait d’une manière différente que dans l’album, elle a une existence propre. Tout ce que j’ai cadré sur une page ou une double page n’est qu’un morceau de mon univers, lequel fait 100 m², mais je peux difficilement livrer des planches de ce format-là !

En 1970, j’ai fait un papier-peint avec la page de garde de l’album Yragaël, une espèce de structure architecturale. On a démultiplié le motif comme un caleïdoscope. Et tout à coup ce dessin d’1 m x 1.80 m faisait 30 m² !

Un journaliste a écrit sur Délirius 2 : Druillet dessine ce qu’il a vu ! Cela m’a fait très peur ! Mais ce n’est pas faux ! Mes dessins ne me font pas peur mais ils font peur aux autres ! Tu vis avec l’univers que tu as créé. On est dans le domaine de l’imaginaire, c’est romantique. J’ai inventé un monde, comme d’autres dessinateurs, un monde qui a ses règles, j’ai adapté Sloane deux fois au cinéma mais cela n’a pas marché, et ce n’est pas faute d’avoir bossé dessus avec Benjamin Legrand. On s’est aperçu qu’à partir du moment où tu inventes un univers, ce n’est plus toi qui maîtrise les personnages, c’est eux qui te maîtrise. Tu ne peux pas leur faire faire n’importe quoi, Sloane est un personnage qui existe, qui a son propre code. Je suis à la traîne de mes personnages, c’est fabuleux !

Je suis un inventeur de monde, d’ailleurs meilleur inventeur de monde que dessinateur ! Pour moi les vrais dessinateurs qui savent tout faire en trois minutes, ce sont des Moebius, des Tardi, Boucq… Je ne peux faire que du Druillet et je le multiplie sur plusieurs supports.

Le fait de faire de la SF n’est pas un échappatoire à la réalité dans laquelle on vit, nous avons un rôle dans la SF, nous avons les deux pieds sur terre, ce n’est pas du tout une évasion, c’est un constat horrible de la réalité, de lucidité transposé à travers un support différent.

C’est un plaisir d’artiste que de faire ce boulot. C’est mon boulot de faire des images mais je suis ancré profondément dans le monde dans lequel je vis, pas comme des illuminés comme Lovecraft ou Van Gogh ! 

Tout ce qui se passe dans notre monde d’aujourd’hui a été écrit il y a 30 ans par des Ballard, des P.K. Dick, des Bradbury !

Nous sommes sensés inventer des mondes qui ne sont pas de ce monde et qui sont la transcription de la réalité dans laquelle on vit.

Avec ‘Cosmos’, j’ai voyagé dans le noir et blanc. Quand je travaille avec de la couleur, tout ce que j’ai peint est fauviste, très violent et tout à coup avec le noir et blanc, c’est comme si j’essayais un autre monde ! Cette espèce de pseudo

monochromie amène une idée puissante, c’est une expérience et je suis une sorte d’explorateur !

Je suis venu à la BD par Flash Gordon, je lisais Tintin et Spirou, d’ailleurs j’admire toujours Van Der Steen, Hergé, Franquin, Macherot… La concierge de l’immeuble où j’habitais étant gamin, m’a un jour prêté des Robinson, lesquels contenait Flash Gordon, Mandrake… Cela a été un de ces voyages, je n’avais qu’une hâte c’était  de revenir dans la loge lire ces BD. Dés mes 17-18 ans j’ai su que j’allais faire de la BD et depuis je n’ai cessé de me battre pour la bande dessinée, même bardé de décorations et de prix ! 

COSMOS - Hervé Di Rosa & Philippe Druillet
Galerie Petits Papiers Sablon

Du 8 au 31 mars 2013 au grand Sablon à Bruxelles

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