La galerie Champaka aborde la bande dessinée érotique avec le maître du genre, Guido Crepax, proposant 40 planches issues de Valentina, disponible à la vente jusqu’au nombre de 15 !
Pierre Sterckx, écrivain et critique d’art, explique Crepax et éclaire son art avec des formules dont lui seul a le secret !
Dans les sixties, la BD prend un chemin nouveau, moins infantile, elle est jusque là toujours considérée pour les enfants. Pour les milieux catholiques et communistes il ne faut pas de sexualité dans les BD parce que les enfants n’ont pas de sexualité !
Dans cette décennie il y a le phénomène Crepax, c’est le Maître, mais… un grand artiste est souvent résumé à une date… Crepax n’est pas résumé aux sixties car il est transhistorique. C’est un grand maître de l’érotisme, une science, une technique du sexe particulièrement importante dans l’histoire humaine du fait que l’érotisme rompt avec la fatalité de la sexualité animale qui cherche le plaisir pour la reproduction. L’érotisme est une technique de retardement de l’impulsion et même de plaisir (maso…)
Le retardement par le dessin, le dessin en noir et blanc, Crepax est un érotique, un retardeur, son trait est noir et blanc, entre la caresse et la flagellation mais avec un cadrage des plus étonnant dans la BD. Il faut remonter à McCay pour avoir un équivalent...
Il existe un très beau texte sur l’œuvre de Crepax de Roland Barthes qui a raison de dire que cette BD est très belle, surtout les bulles, car les personnages parlent, ils retardent les actes et il y a des contrats entre eux ; la femme et le bourreau, le maître et l’esclave. Dans ce contrat, il y a de la parole, une autre façon de retarder l’action qui est une partie prenante de l’âme du scénario chez Crepax. Je vous comprends je vous obéis, une fonction assez rare dans la BD c’est-à-dire une parole contrat. Vous trouvez de la parole redondance chez Jacobs ou du bruitage chez Hergé. Le maso, l’œuvre de Crepax est à dominante masochiste, exalte le masochisme, paroxysme de l’érotisme parce que le maso sépare le désir du plaisir en mettant la douleur entre.
Crepax ne fait pas de barrière entre l’art mineur et l’art majeur. La peinture c’est majeur, la BD c’est mineur. Grotesque. Ce sont des catégories qui ont puni la BD pendant des décennies et Crepax le démontre dans ses planches. Il sait très bien ce qu’est le cubisme, ce qu’est Kandinsky, il a une culture artistique de haut niveau et passe les frontières entre BD et peinture très facilement, sans trahir la BD, sans faire de la peinture, il reste sur son médium.
Pendant des années on a considéré le jazz comme un art mineur et quand on considère l’importance de ces choses, c’est vraiment par l’art mineur que les grandes choses arrivent ! Les gens de l’art majeur sont souvent des artistes officiels, des emmerdeurs, j’échangerais tout Durer pour une planche de Crepax !
(Le fils de Crepax prend la parole) Mon père écoutait beaucoup de jazz, mon grand-père était premier violoncelliste à la Scala. Il a commencé par dessiner des pochettes de disques de jazz, il écoutait du jazz parce que le rythme du jazz influait son dessin. Il a fait une BD L’Uomo di Harlem, à propos d’un musicien de jazz, un contrebassiste. Dans cette histoire il y a des pages où sont indiqués des titres qu’il faut écouter pendant la lecture ! Il pensait déjà de façon multimédia ! Ces dessins sont un médium sonore !
GUIDO CREPAX - Exposition-vente Fragments de Valentina du 15.03.13 au 07.04.2013 à la galerie Champaka, 27, rue Allard à 1000 Bruxelles.
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