Seediq Bale (Les Guerriers de l’arc-en-ciel) par Row-Long-Chiu – éditions AKATA
En 1895, à l’issue d’une longue guerre, la Chine cède Taiwan au Japon, qui va s’empresser d’exploiter les ressources de l’île, sans aucun respect pour les peuples aborigènes. Il faudra attendre 1930 pour qu’une des tribus, les Seediq, se révoltent, dressent leurs armes primitives contre celles, modernes de l’oppresseur. Les « 300 » vaincront les Japonais, mais au prix de lourds sacrifices…
Un jour, un jeune garçon de la ville – Row-Long-Chiu - alla muser dans la montagne et rencontra une belle aborigène. Il en tomba amoureux et finit par l’épouser. Il fit connaissance avec le peuple Seediq et son histoire. C’est ainsi qu’est né Seediq Bale (Les Guerriers de l’arc-en-ciel), l’œuvre d’une vie, avant tout une bande dessinée d’une force incroyable qui mérite sa place aux côtés de jalons BD comme Maus, Habibi, une Vie chinoise… Une bande dessinée qui sort largement de son cadre et devient oeuvre à part entière. Row-Long-Chiu, en artiste multimédia, est parvenu à l’imposer à Taiwan où il l’a décliné sous forme de documentaire, de série télé, livres pour enfants, dessins animés, film (produit par John Woo, en tant que conseiller artistique) un tel succès que la BD produite en 1990 est rééditée en version augmentée de pages couleurs et de commentaires. Cette répercution finit par franchir les frontières. Elle est primée au festival BD d’Alger en 2011 et en 2012 au festival de Chambéry et s’expose à Angoulême. C’est là que Dominique Véret, éditeur responsable de la section manga de Delcourt, le remarque. Amoureux de tribus primitives, amérindiens ou asiatiques, il décide de la publier, guidé par son enthousiasme, se doutant bien que cela ne fera pas un carton dans les ventes mais qu’il tient entre les mains un pavé de la BD. C’est ainsi que voit le jour en français Seediq Bale (Les Guerriers de l’arc-en-ciel), un beau livre qui se lit comme un manga, à l’envers, une BD noir et blanc augmentée de superbes pages couleurs et de nombreux textes explicatifs. Le tirage est modeste mais vu l’ampleur de l’œuvre il est certain qu’il augmentera exponentiellement.
Row-Long-Chiu
Seediq Bale (Les Guerriers de l’arc-en-ciel) est paru pour la première fois en 1990. J’avais travaillé cinq ans sur cette histoire, j’avais fait beaucoup de recherche mais cela m’a pris moins de temps pour la dessiner. J’ai commencé par dessiner sur place mais comme tout le monde venait voir ce que je faisais et me critiquait, je me suis résolu à faire des croquis rapides et j’ai continué mon travail dans mon studio. Au départ je dessinais dans le genre cartoon et les gens ne comprenaient pas, ils me demandaient pourquoi je les dessinais avec une grosse tête, alors j’ai continué dans le style réaliste. C’était compliqué de faire de la bande dessinée à l’époque, le gouvernement contrôlait tout, difficile de gagner sa vie, alors je faisais de la peinture et réalisais des documentaires. Nous sommes artistes de père en fils ! J’ai grandi avec les mangas japonais, c’était la seule BD que nous avions. Mais j’estimais qu’il fallait raconter quelque chose basé sur l’histoire de mon pays. J’ai rencontré cette femme, ma femme et j’ai fait connaissance avec sa tribu et son histoire surprenante, inconnue… qui ne figure pas dans nos livres d’histoire mais qui est pourtant essentielle pour l’histoire de mon pays. La BD est devenue un tel succès qu’un film a été tourné et est devenu un grand succès au box office de mon pays. J’y ai contribué en tant que conseiller artistique et j’espère qu’à présent ce succès deviendra international.
Traduit du chinois par TZU SHENG HSU (dit green)
Dominique Véret, éditeur d’Akata :
C’est un « western » de Taiwan qui nous fait connaître un aspect totalement inconnu de cette île et met en avant ces 300 lascars qui ont résister aux japonais, des types armés de couteaux face aux fusils ! Avec Row-Long-Chiu, on n’a pas affaire à seulement un auteur de BD mais à un homme qui consacre sa vie à un peuple dont il est amoureux et dont il a épousé une femme. D’ailleurs, il pense que c’est l’histoire qui l’a choisi et non lui qui a choisi cette histoire. Cet ouvrage fait partie des pièces littéraires de la BD, c’est un monument, une oeuvre forte, nous sommes dans la littérature. C’est primitif, de l’énergie brute. Il est édité à 2500 exemplaires, c’est très peu mais ceux qui le liront seront les lecteurs les moins cons de la BD… ceux qui peuvent s’y attaquer et l’apprécier à sa juste valeur.
Cette BD a fait prendre conscience aux jeunes de Taiwan, qui sont des chinois, qu’avant eux ils y avaient d’autres peuples sur leur île et qui sont d’origine polynésienne, polynésiens qui se sont répandus depuis 30000 ans dans les îles et ce jusqu’à Madagascar ! Grâce à Seediq Bale, le gouvernement taiwanais a remis en question le statut des aborigènes. C’est un bouquin très événementiel.
Je suis en train de me battre pour faire sortir le film en France. Il fait plus de quatre heures et ce n’est pas commercial. Si on réduit le film à deux heures on n’y verra que des scènes de bataille et ce n’est pas de propos du film…
CBBD exposition Seediq Bale à la gallery du 8/9/2013 au 27/10/13
http://www.cbbd.be/fr/expositions/la-gallery/seediq-bale-les-guerriers-de-l-arc-en-ciel
© photos JJ Procureur
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