Barbara
Dessinateur : Osamu Tezuka
Scénariste : Osamu Tezuka
Editeur: Delcourt
Qu’est-ce qui pousse Yosuke Mikura, un écrivain qui débute, à sortir de la dèche une jeune SDF alcoolisée nommé Barbara qu’il rencontre en rue ?
En fait, Barbara, sous cet aspect peu attractif, dissimule un grand pouvoir : elle est la muse des artistes et, grâce à sa présence, elle transcende la créativité de l’écrivain.
Mais pour cela, il faut le savoir et Yosuke, même s’il ne sait pas très bien pourquoi, accepte la présence de la jeune femme tout en la considérant plutôt comme un fardeau, n’hésitant pas à la frapper lorsque le comportement de celle-ci lui déplaît. Barbara accepte les coups sans broncher.
Si elle peut faire d’une impressionnante désinvolture (indifférence aux coups ?), Barbara démontre également un grand caractère indépendant et semble entretenir des relations particulières avec un monde occulte.
La relation entre Barbara et Yosuke va cependant évoluer. Au départ très distant, Yosuke va s’attacher de plus en plus à la jeune femme au point de lui proposer de l’épouser. Celle-ci va accepter à condition qu’il s’agisse d’un mariage vaudou.
Yosuke se retrouve donc dans un cérémonie très particulière qui va mal se terminer, la police intervenant, on soupçonne Yosuke de les avoir dénoncé. Le mariage est à l’eau et Yosuke perd le contact avec Barbara.
Pour Yosuke, le monde ne sera plus comme avant, sa tentative pour se marier avec une autre femme est un échec. Lorsqu’il retrouve Barbara, Yosuke va vouloir reprendre la relation mais les choses ont définitivement changé et l’histoire ne peut que finir tragiquement.
Barbara fait penser à une tragédie grecque, une histoire d’amour impossible que ne peut se terminer dans la folie… Ce n’est pas pour rien que Barbara évoque deux poème de Verlaine et que son auteur dit avoir été inspiré des contes d’Hoffmann pour construire son intrigue. Publié pour la première en 1973, le récit d’Osamu Tezuka reste d’une surprenante actualité et d’une très grande créativité. Certes, les histoires d’amour tragique (teintées ici d’un certain « spiritisme) sont éternelles mais le graphisme et la narration n’ont pas pris une ride.
La seule chose qui m’a personnellement choqué en lisant le récit est la grande violence avec laquelle Yosuke maltraite Barbara, les coups qu’il lui inflige en sont presque banalisés. Il est vrai que l’auteur n’en est pas... à son coup d’essai! Dans Ayako, la statut de la femme relevait davantage de la femme battue et bafouée que de la femme émancipée… Est-ce lié à une certaine mentalité japonaise ? On relèvera qu’en fin de récit, c’est souvent la femme qui reprend l’ascendant sur l’homme. Je ne suis pas sûr néanmoins qu’une lecture de Barbara par une féministe engagée sera bien perçue….
Et pourtant, l’album mérite diablement qu’on s’y attarde et on ne peut que louer Delcourt de republier l’oeuvre de Tezuka, tellement celle-ci s’avère riche et bien construite. Le dessin démontre une efficacité rare dans le récit et les 430 pages se lisent de bout en bout. C’est indéniablement une redécouverte à faire partager à tous les fans de manga pour qui Tezuka pourrait être au manga ce que Hergé a été pour la bande dessinée!