Ushijima, l'usurier de l'ombre
Dessinateur : Shôhei Manabe
Editeur: Kana
Résumé :
Une journée ordinaire débute pour Ushijima : des clients font la queue pour lui emprunter de l’argent. Pour Takada qui débute au service de l’usurier, c’est la découverte d’un monde souterrain où l’argent règne en maître.
Guidé par Ushijima, Takada apprend les ficelles du métier, et les combines pour soutirer aux clients leurs derniers sous… Sans aucun état d’âme !
Avis :
Shôhei Manabe a fait son grand retour avec une nouvelle série parue chez Kana : Kûjo l’implacable. Pour fêter cette sortie l’éditeur nous offre le premier tome de sa série précédente : Ushijima, l’usurier de l’ombre. Chouette initiative !
Un spin-off existe déjà Yamikin Ushijima-kun Gaiden : Ramen Namerikawa-san (rien que ça…) et compte les aventures d’un gangster malchanceux. Et un deuxième arrive ! Shônen-in Ushijima-kun nous proposera de suivre le jeune Ushijima dans une prison pour mineur. Ce manga est disponible sur l’application Manga One des éditions Shôgakukan. Cette nouvelle histoire n’est pas du même auteur et Shôhei Manabe sera seulement crédité pour celle d’origine. Le dessin caractéristique d’Ushijima ne s’y retrouvera donc pas et ce sera Dôdô Yamazaki qui s’était déjà occupé du premier qui sera aux commandes.
Pour ceux qui ne connaissent pas et voudraient se lancer dans l’aventure, Ushijima, l’usurier de l’ombre de son vrai nom Yamikin Ushijima-kun est une œuvre qui compte 46 volumes. Publiée depuis 2004 au Japon et parue chez nous de 2007 à 2020, elle n’a pas eu de réel succès commercial. C’est un titre noir et impitoyable qui est parfois difficile à lire tant il semble cruel. Je l’avais commencé lors de sa parution et l’ai suivie jusqu’au 14e tome… Après, j’ai décroché, sans doute car je n’étais pas encore assez mature pour ce genre d’œuvre sur la durée. Assez éprouvante, dans un univers où les yakuzas règnent en maitres, cette série parle de blanchiment d’argent, suicide, violence, prostitution, racket, drogue et manipulation… Oh joie !
Du point de vue du scénario, Ushijima, 23 ans, incarne en apparence le directeur d’une entreprise de crédits, Buy Buy Finance. Cet usurier déguisé (« yamikin ») prête illégalement des sommes d’argent à des taux d’intérêt exorbitants. Forcément, il utilisera des procédés assez virulents afin d’être certain de récupérer son dû, sans aucun état d’âme pour la situation de ses débiteurs qu’ils surnomment « ses exclaves ». Dans le premier tome, on suivra Takada, une nouvelle recrue qui sera formée par Ushijima et découvrira les ficelles plus que sombres du métier.
Le seul fil conducteur de ce seinen serait l’envie d’ascension d’Ushijima. Son entreprise est encore petite et il tente de faire sa place dans ce monde. Y arrivera-t-il ? Sinon, on reste discret sur ce protagoniste. Nous ne saurons rien sur la vie du créancier. À part qu’il adore s’occuper de ses lapins… Shôhei Manabe ne va pas dans la psychologie du personnage, mais relate juste des faits. Et c’est peut-être pour cela que c’est si difficile à lire. Il n’y a pas de pourquoi. C’est comme ça, c’est tout. Et cela installe un malaise permanent…
La justification de tels actes ? Ses clients sont sous contrats. Cet argent lui est dû. Il n’a jamais forcé personne à prendre de crédit et ils sont au courant des intérêts. Et c’est vrai que les habitués sont dépeints de façon à ce que, malgré ce qu’il leur fait subir, la pitié est difficilement de mise…
En se replongeant dans cette histoire et après avoir lu sa nouvelle œuvre, je peux clairement dire que cet auteur est passé maitre dans le récit noir et sans détour ! Comment est-il possible de dessiner et de penser un manga aussi crédible avec cette misère et cet état d’esprit implacable ? C’est juste dingue ! Les situations relatées amènent à chaque fois les endettés à vendre une partie d’eux-mêmes afin de rembourser des sommes d’intérêts monstrueux.
Si le personnage d’Ushijima incarne le mal, il n’est pas le seul… Dans le deuxième volume, ceux qui m’ont mis le plus mal à l’aise sont les trois adolescents portant des manteaux à imprimé militaire. De véritables psychopathes… Même si, à vrai dire, tous les protagonistes sont malaisants. Le dessin aidant beaucoup à cette ambiance glauque, moite et sale…
En somme, cette série dépeigne les déboires d’une société en perdition et des rebuts de cette dernière qui, en cherchant le moyen de se sauver, se retrouvent dans une situation bien pire.
Cette série n’est pas à placer entre toutes les mains, et même avec plus de maturité, ça reste une lecture dérangeante. Mais, pour ceux qui apprécient les univers très noirs, foncez ! Elle sera parfaite pour vous !
Trailer : ici !