Série: Le train des Orphelins #1
Auteurs: Philippe Charlot, Xavier Fourquemin
Editeur BD: Grand Angle
Une chronique BD: Génération BD
Le récit débute dans l'état de New York en 1990 par la visite d'Harvey Young chez Jim après qu'ils se soient perdus de vue durant 70 ans. En effet, c'est en 1920 qu'ils se sont connus enfant à bord d'un convoi de l'Orphan Train Riders (train des orphelins) : Jim Smith accompagné de son frère Joey et de sa petite soeur Anna se lie d'amitié avec Harvey, un gamin débrouillard. Ils faisaient partie de ces gamins des rues de New York, orphelins ou abandonnés par leurs parents, qui traversaient en train les USA d'est en ouest pour être distribués sans aucune considération à des familles en mal d'enfants ou plutôt devrait-on dire, en manque de main d’œuvre bon marché.
Ces distributions d'enfants organisées et encadrées par des associations religieuses, représentées dans l'album par Mr Coleman et la veuve Goswell, tenaient plus de la foire aux bestiaux (enfants étiquetés, examinés) et avaient lieu au théâtre, à l'église ou parfois à même le quai de la gare. Les adultes pensaient bien faire en éloignant les enfants de la misère des grandes villes et en leur offrant la possibilité de commencer une nouvelle vie sous de meilleurs auspices. Même replacés dans le contexte social de l'époque, ces événements restent néanmoins un trafic d'enfants à grande échelle ( +/- 250.000 enfants blancs de 1854 à 1929) encadré par les autorités.
Un tel programme de migration imposait aux enfants de couper tout lien avec leur passé. Ils ne pouvaient garder ni photos, ni lettres à moins de les dissimuler et bien souvent les fratries étaient séparées; c'est ce qui arriva à Jim Smith, séparé brutalement de son jeune frère Joey. Deux millions d'Américains, descendants de ces enfants déracinés, seraient actuellement privés de leurs racines. Il existe bien un un bureau des archives qui renferme la mémoire du train des orphelins mais cela ne suffit pas toujours à se réapproprier une mémoire familiale perdue.
Philippe Charlot et Xavier Fourquemin forment un sacré duo d'auteurs en nous offrant une histoire émouvante et révoltante à la fois.
Le scénariste Philippe Charlot effectue un véritable travail de mémoire en faisant resurgir du passé ce programme de migration d'enfants, pan de l'histoire sociale et morale des Etats-Unis du XIXème siècle, encore trop méconnu du grand public Américain et autres. Il prépare d'ailleurs un documentaire sur ce thème pour la télévision en collaboration avec une réalisatrice, preuve s'il en est que le sujet lui tient à cœur.
Pendant un instant, je me suis posée la question de savoir si Xavier Fourquemin était un bon choix comme dessinateur sur cet album et la réponse fut oui presque comme une évidence. Son dessin enchanteur permet d’atténuer la rudesse et la virulence du propos, bien que très souvent le sort des enfants soient plus suggéré que montré. Je suis contente de trouver Xavier Fourquemin dans un registre plus réaliste et contemporain que je ne lui connaissais pas.
Pour avoir plongé dans l'album sans avoir vu le temps passer, je ne peux que me réjouir de savoir que la suite tant attendue arrivera très prochainement en tout début d'année 2013.
Un album coup de cœur !
Gladys