Gran cafe Tortoni
Dessinateur : Winoc
Coloriste : Winoc
Editeur: Grand Angle
Un jeune danseur de tango est invité à entrer dans un établissement à Buenos aires par une femme proche de la cinquantaine mais encore très élégante nommée Mina, c’est comme cela qu’il découvre l’univers du Gran cafe Tortoni.
Chaque client présenté par Mina, avec la complicité du maître d’hôtel Rodolfo, va raconter des histoires au jeune homme et lui faire découvrir des personnages aux destinées peu communes.
L’histoire d’un acteur désargenté qui avec l’aide de son impresario va réussir à ouvrir un théâtre et connaître un succès fou. Pourtant, même si à un moment donné plus aucun son ne sort de sa voix, le public reste subjugué par le spectacle de l’acteur qui réussit à faire vibrer l’ambiance de Buenos aires dans le cœur des spectateurs.
L’histoire d’un chanteur de Patagonie qui vient à cheval en plein centre de Buenos Aires et qui se dit le plus grand payador du pays (un chanteur musicien). Lorsqu’il apprend qu’il existe un autre payador à la grande réputation, il souhaite se mesurer à lui mais celui-ci ne vient jamais. Sans désespérer, le cavalier reviendra tous les ans au centre jusqu’au jour où il entendra la voix de son rival décédé sur un gramophone…
C’est aussi l’histoire de ce chanteur très doué qui envoute une vieille dame voilée de ses tangos poétiques empreints de sentiments et de désespérance… Ou encore, celle de cet homme à l’accordéon qui émouvait jusqu’aux larmes son auditoire.
A son tour, le maître d’hôtel explique son histoire d’amour avec la femme de chambre d’un hôtel fort jalouse qui allait jusqu’à voler une montre à l’un des clients par crainte de perdre son amant… Cdtte histoire, c’était en fait celle du maître d’hôtel et de Mina…
Au plus le jeune danseur découvre ces pans de vie, au plus il s’imprègne de l’atmosphère magique de la danse et de Buenos Aires. Le voilà prêt à danser au tango avec Mina…

Gran cafe Tortoni se lit comme un tango ou chaque pas nous emmène dans une nouvelle histoire. Ce qui relie toutes ces histoires réside dans le registre de l’expression des sentiments et des corps, de la passion, de la beauté des paroles d’un chant et de la musique.
Comme le relève la présentation de l’album : Tango et innocence ne font guère bon ménage. Pour briller, un tanguero doit s’être frotté à la passion et au désespoir amoureux, à la poésie et au théâtre, au sublime comme à l’insignifiant… Le prix à payer pour rejoindre les anges de la danse…
On ne peut que se laisser emporter par cette passion commune qui se cache derrière les clients bien tranquilles de ce café. Au fond de chaque client sommeille une ardeur qui ne demande qu’à s’exprimer…

En nous ouvrant la porte du Gran café, Philippe Charlot et Winoc nous invitent dans un dépaysement culturel très agréable, c’est dommage qu’ils ne proposent pas de lire cet album en mettant en musique de fond quelques références de tango. Cette musique me fait penser au fado portugais où à la sensualité de certaines chansons espagnoles comme celles que l’on trouve dans les films d’Almodovar…
C’est donc davantage une bd d’ambiance qui nous est présentée ici. Ceux qui recherchent de l’action pure et dure seront déçus mais ceux qui se laisseront emmener par la nostalgie proposée avec sa poésie sous-jacente en auront pour leur argent.
Il n’y a plus qu’à esquisser les premiers pas… Maestro !