Tiananmen 1989 : nos espoirs brisés
Dessinateur : Ameziane
Scénariste : Lun Zhang
Scénariste : Adrien Gombeaud
Editeur: Delcourt
Zhang Lun était étudiant en 1989. Comme la plupart de ses camarades, il avait plein d’espoir pour le régime qui avait mis fin à la révolution culturelle (oppression de l’élite intellectuelle qui a tué des millions de personnes) et avait mis en place sous Deng Xiaoping des réformes économiques dans les années 1980. L’étincelle qui a fait démarrer le mouvement est la mort de Hu Yaobang, membre du bureau politique qui s’était engagé pour la démocratie et qui, pour la même raison avait été mis en disgrâce.
Pour ces étudiants engagés, la suite logique de l’évolution du régime était d’évaluer vers un système démocratique où le peuple prendrait enfin en main son destin.
Au travers du fils des événements, Zhang Lin explique comme il est devenu progressivement le responsable de la sécurité ; tâche immense vu les tensions avec l’armée et le nombre exponentiel de personnes qui rejoignaient le mouvement (ils étaient jusqu’à un million de personnes sur la place !)
Zhang Lun explique de manière assez fine que les étudiants n’était pas opposés au pouvoir dans le sens où ils voulaient construire solidairement une Chine nouvelle, ce n’était pas une révolution musclée, plutôt une pression en douceur mais ferme sur le régime en place afin de faire bouger les lignes. La grève de la faim en est un exemple : 2000 personnes y participeront. Il évoque la solidarité des habitants des Pékinois et des étudiants du monde entier,…
Le pouvoir, après avoir eu plusieurs revers, va finalement user de la force pour mater ces étudiants qui osaient les braver. La répression sera impitoyable et le sang va beaucoup couler. Pour les étudiants qui organisaient le mouvement, ce sera la prison ou la fuite hors du pays.

Tout le monde à en tête la photo de cet étudiant bravant une file de chars démontrant le déséquilibre entre un mouvement étudiant qui n’a pour elle que son courage et sa volonté de changer les choses contre un pouvoir dictatorial faisant un usage disproportionné de la force.
Cette photo à 30 ans cette année mais le combat pour davantage de démocratie en Chine n’est toujours pas terminé, des hommes se font encore emprisonner pour exprimer leur souhait d’une société plus libre et le pouvoir tente par toutes les manières d’effacer les événements de Tiananmen…
Basée sur une grande majorité d’éléments réels, cette histoire évite une trop grande caricature entre des étudiants rebelles et anarchistes et un pouvoir qui s’y oppose. Elle démontre que les étudiants était préoccupés par l’idée de ne pas faire déraper le mouvement dans la violence et qu’ils se battaient pour leurs idéaux. Du côté du pouvoir, certains dirigeants n’étaient pas opposés à un dialogue et une ouverture auprès du mouvement étudiant mais ceux qui étaient pour l’oppression pure et dure vont progressivement prendre le dessus.
D’une certaine manière, cet idéalisme étudiant n’est pas sans rappeler mai 68 voire le printemps de Prague pour l’esprit de liberté. En rendant cette histoire encore plus vivante par la bande dessinée, les auteurs nous rappellent des faits importants dont on n’a peut-être pas mesuré toute l’importance à l’époque, ne fut-ce que par la censure chinoise ou notre méconnaissance d’un régime si éloigné. On pourrait éventuellement reprocher à ce livre de faire trop le focus sur la société étudiante alors que la société civile s’était également fort mobilisée mais ce point de vue se fait sur base d’un témoignage étudiant, ceci expliquant cela…

Ce récit est une bonne manière de rappeler l’importance du combat d’un peuple pour ses libertés. Je rédige cette chronique juste après les élections belges qui ont fait ressortir les extrémismes et en mesure encore plus combien cette notion de liberté des peuples est un bien trop précieux que le pouvoir ne peut nous confisquer…
Le combat de » Tiananmen fait partie de ces combats universels pour une cause juste. Même si elle n’a pas abouti à plus (ou si peu) de démocratie en Chine, elle a néanmoins entrouvert la porte des possibles et fera qu’il y aura toujours un avant et un après… A conseiller à tout professeur d’histoire ou de philosophie…