L'été à Kingdom Fields
Dessinateur : John Mac Naught
Scénariste : John Mac Naught
Coloriste : John Mac Naught
Editeur: Dargaud

L’été à Kingdom Fields m’a séduit par son caractère atypique et la grande poésie qui s’en dégage. Il y a une sorte de « zen attitude », de contemplation du moment présent que l’on retrouve dans les œuvres de Taniguchi. Les personnages se contentent d’être eux-mêmes. Si chez Taniguchi, on a parfois l’impression que les personnes profitent du moment présent, Jon Mc Naught, lui, se contente de les accompagner, de suivre chacun de leurs gestes, mettant en évidence de moments que l’on vit souvent avec distraction parce qu’ils nous semblent banals…
Par exemple, les 12 planches consacrées à la station-service peuvent paraître anecdotiques mais elles nous font revivre ces instants de manière plus intense ou plus consciente que lorsque nous-mêmes avons fait une fois une halte dans ce genre d’endroit.
C’est peut-être cela qui est chouette dans cette bande dessinée : il y a comme une sorte d’universalité dans ce qui est décrit : la longueur d’un voyage, une tension entre frère et sœur, la visite d’un musée obsolète,… Tout cela constitue un quotidien que nous avons vécu pour autant que nous soyons partis une fois en vacances en famille… Les personnages de ce récit vivent des choses très banales et quelque part cela nous fait du bien de se dire qu’on n’est pas le seuls. On en vient presque à se dire que ces personnages, c’est peut-être nous que l’auteur a voulu mettre en scène. En faisant cela, il redonne de la valeur à la banalité de notre vie. Certes, on vit parfois des moments plus forts et plus dynamiques mais les moments de routine ne sont pas éloignés de ceux qui sont décrits dans ce livre.

Je donnerais aussi une mention spéciale au découpage en toutes petites vignettes qui témoignent la préoccupation de Jon Mac Naught de découper notre en vie en une succession de petits moments de vie à côté desquels on serait probablement passés si ce découpage ne nous l’avait pas mis en évidence…
Les détracteurs de cet album diront qu’ils ne s’y passent rien au point que cela en est ennuyeux. Personnellement, cela ne m’a pas du tout ennuyé et, même si je ne sens pas l’âme d’un bobo contemplatif, j’ai ressenti beaucoup de poésie et de tendresse dans l’évocation de ce moment de vie. Pour ce livre différent de bien d’autres, je donne mon coup de cœur.