MARC SLEEN ET BRUXELLES, L'INTERVIEW

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Heureux père de Néron, Marc Sleen, un des derniers géants de la BD belge, est profondément attaché à Bruxelles. C’est qu’il y a vécu et travaillé durant de nombreuses années. Pas étonnant donc qu’il ait illustré la capitale et son art de vivre. La Fondation Marc Sleen, créée sur les lieux-même où œuvra l’auteur, a décidé de lui rendre hommage en proposant une exposition ainsi que la sortie en français de l’album Le Fantôme de la rue des Sables, sans oublier un parcours guidé du Bruxelles de Sleen ainsi qu’un petit coup derrière la cravate avec sa bière Néron !
  
  
VDS et Shesivan ont rencontré l’auteur :
VDS : Avez-vous le sentiment que vos BD sont reçues différemment du côté des francophones que des néerlandophones ?
Marc Sleen : Maintenant la jeunesse ne connait plus Néron…
VDS : Mes enfants en lisent…
Marc Sleen : La BD a fort changé avec internet et l’informatique mais de mon temps, des années 40 à 70 cela paraissait dans les journaux et puis fini… J’ai toujours travaillé pour un éditeur, le Standaard mais en flamand, j’ai publié dans des journaux anglais et français, cela marchait très bien. A un moment donné, j’ai quitté Het Volk (qui se trouvait rue des Sables), cela leur a coûté 30000 lecteurs – vous n’imaginez pas le scandale que cela a fait, cela a été jusqu’au tribunal, un grand conflit ! Dés 45 j’ai publié dans des magazines faits avec du papier journal dans des couleurs bleuâtre ou rougeâtre et c’est en 65 qu’on m’a proposé la couleur, les éditions Standaard. J’allais travailler avec Willy Vandersteen qui faisait Bob et Bobette
VDS : Vous avez eu un studio ?
Marc Sleen : Je n’ai jamais eu de studio contrairement à Hergé, Roba, Peyo... J’ai tout fait tout seul, j’étais mon propre scénariste. A un moment donné j’avais sept séries qui couraient ! Mais en 65 le Standaard m’a demandé de me consacrer uniquement à Néron, histoire d’avoir les deux meilleures séries, l’autre étant Bon et Bobette. Du moment qu’on me payait plus ! J’ai accepté mais le public a eut du mal à l’accepter…
VDS : Vos personnages sont des héros typiquement belges ?
Marc Sleen : Typiquement flamands, je dirais malgré le fait que cela paraissait aussi en France. Je crois que mon seul défaut a été d’avoir fait cavalier seul. Je suis content de ce que j’ai accompli, je ne travaille plus depuis huit plus mais je voudrais que mes albums soient toujours vendus. Or, on ne les trouve plus nulle part. Je cherche un bon éditeur…
VDS : Vous avez le sentiment que vos BD sont inscrites dans le temps, symbolique d’une période bien particulière, à la belge…
Marc Sleen : Peut-être… peut-être… tous mes personnages sont typiquement belges. Au début au Standaard on voulait que madame Pijp laisse tomber la pipe… Je n’ai pas cédé.. Quand j’allais à l’école, j’avais une douzaine d’années, je croisais toujours une femme sur le pas de sa porte. Elle fumait la pipe. Elle était très imposante et d’un caractère bien trempé. J’en avais la frousse et je me dépêchais de traverser la rue, tête basse…
VDS : De manière générale, vos héroïnes ne sont pas féminines ?
Marc Sleen: C’étaient des femmes de caractère, des femmes fortes… les 20 dernières années où j’ai dessiné j’ai fait quelques belles poupées, des femmes pulpeuses mais on me critiquait alors que les publicités qu’on voyait partout étaient beaucoup plus aguichantes. Mais bon, je travaillais pour le Standaard qui était un journal très catholique, alors… Dans certains albums je les dessinais nues, je ne me laissais pas faire !
Shesivan : Vous êtes content de votre musée ?
Marc Sleen : Tous mes confrères dessinateurs sont morts avant d’atteindre 80 ans, tandis que moi j’en ai 89 ! Je suis le seul qui a son musée de son vivant ! Même Magritte a son musée mais il est mort ! Je suis le seul qui a traversé la rue au bras du roi à Bruxelles, se promener avec le roi bras-dessus bras-dessous cela m’a fait quelque chose…
N’empêche, j’ai mon musée mais je ne suis plus connu des jeunes lecteurs. C’est peut-être parce que j’ai toujours travaillé seul. J’étais ami avec Van der Steen, Hergé, de très bons copains mais chacun allait son chemin… Ceux-là doivent une partie de leur carrière à des gens qui les ont aidés. J’ai créé Néron seul et il n’y aura plus de Néron après moi ! Je ne veux pas que quelqu’un fasse mes histoires. Néron c’est moi !

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