Interview BD de Guarnido & Canales - Blacksad # 4

Interview de Canales & Guarnido (Blacksad # 4 - Dargaud)
Interview BD:
Guarnido
dessinateur

Canales
scénariste

à l'occasion de la sortie de "Blacksad # 4"
Editeur:

C’est dans le bar très design d’un hôtel cinq étoiles à quelques encablures de Dargaud que j’ai l’immense privilège de rencontrer les deux auteurs dont le nouvel opus intitulé « L’Enfer, le silence » est sans doute la plus attendue de l’année, mais aussi depuis cinq ans…



Shesivan : Juanjo Guarnido, Juan Diaz Canales, bonjour… L’action du nouveau Blacksad se situe en Nouvelle-Orléans. Etes-vous allez vous documenter sur place ?

Juanjo Guarnido : Juan n’est pas allé pour des raisons personnelles… J’y suis allé seul, au mois de février de l’année dernière, tout au début de la saison de Mardi-Gras. Le carnaval dure une saison, là-bas, tous les jours il y a des évènements ! J’ai assisté au premier défilé de la saison, c’est impressionnant… J’ai eu un coup de foudre pour la ville, cela a changé mon approche et j’ai décidé de la restituer telle quelle était dans la BD.


SH. : Y a-t-il toujours des traces de l’ouragan Katrina (l’ouragan qui a frappé la Nouvelle-Orléans en 2005) ?

J.G. :  Oui, il y a des quartiers dans le centre-ville qui sont toujours complètement sinistrés…


SH. : Qui de vous deux a décidé que l’action se passerait là-bas ?

Juan Diaz Canales : Dans cet album il est beaucoup question de musique, alors nous avons décidé que l’action se passerait à la Nouvelle-Orléans, avec sa vie nocturne et ses clubs de jazz… Il y a déjà beaucoup de musique dans les albums précédents…


SH. : Seriez-vous tous deux des amateurs de jazz ?

J.G. : Nous le sommes devenus avec Blacksad. En écoutant Billie Holiday je me suis intéressé à Louis Armstrong… En illustrant cet album, je me suis plongé dans l’ambiance du jazz new orleans et c’est fabuleux…


SH. : La question que la planète entière se pose : pourquoi nous avoir fait languir pendant cinq ans ?

J.D.C. : Ce n’est pas voulu mais nous avions tant de choses à faire… il ne faut pas oublier que nous ne sommes que des auteurs ! Nous avons des familles ! Entre temps, il y a deux ans, j’ai eu un troisième enfant… Je travaille encore dans le dessin animé, surtout des story-boards et je bosse sur une autre BD qui sortira l’année prochaine avec Munuera, un des dessinateurs de Spirou… Et puis, réaliser un Blacksad ça prend du temps, aussi !

J.G. : Moi je n’ai pas eu d’enfants depuis le deuxième Blacksad, mais j’en ai aussi trois (rires) ! J’ai aussi bossé dans le dessin animé et deux j’ai sorti deux « Sorcelleries », les couvertures de Voyageur, des illustrations par-ci par-là, une exposition importante à Grenade, du 25 mars au 23 avril, expo qui m’a pris plus de temps que je le croyais… J’ai aussi déménagé deux fois ! Bref, j’ai été très occupé !

J.G. & J.D.C. : On va s'organiser pour ne pas refaire le coup des cinq ans, on va essayer d’imposer un rythme aux sorties de Blacksad, pas un par an mais comme les trois premiers, un intervalle de deux ans et demi.


SH. : nous pourrons faire un club, moi aussi j’ai trois enfants !

J.G. : Donc tu sais de quoi on parle !


SH. : J’ai des doutes quant au coupable de cet épisode… je ne pensais pas qu’il serait en état de faire ce qu’il fait…

J.G. : On le voit courir un peu…


SH. : C’est un la magie de la Nouvelle-Orléans ! Il n’est vraiment pas en état !

J.G. : Effectivement, ce personnage ne pouvait pas faire des exploits ! Il court un peu ou il marche vite, se perd  dans la foule… il ne fait rien d’extraordinaire ! Il y a l’ambiguïté de ce personnage !  Je pensais que vous vous poseriez des questions à propos du chat mystérieux qui sauve Blacksad de la noyade, non ?


SH. : Non non ! C’est son ange-gardien, c’est évident ! Il faut dire que je n’ai pas l’esprit policier, j’ai l’esprit fantastique (rires)

J.G. : Ah bon, il y en a qui n’ont pas compris !


SH. : A quand un dessin animé tourné par James Cameron ? Etes-vous au courant ?

J.G. : (goguenard) Oui, oui ! C’est pour l’année prochaine... Cameron nous a dit que Avatar c’était des c… qu’il ne faisait pas assez de fric avec et qu’il allait faire Blacksad (rires)


SH. : (pressé de passer à autre chose) Comment travaillez-vous ensemble ? Discutez-vous de l’histoire ?

J.D.C. : J’établis un brouillon et le montre à Juanjo pour voir s’il se sent à l’aise avec l’histoire. Si c’est le cas, je commence le scénario, lui entame les crayonnés… Nous restons constamment en contact…

J.G. : L’échange est permanent… Cela vient de notre formation dans le dessin animé. Nous avons commencé ensemble dans un studio d’animation… C’est notre métier et dans ce métier nous avons toujours le réflexe de soumettre notre travail à quelqu’un pour validation…

J.D.C. : Pas de problème d’ego…

J.G. : Notre expérience dans le dessin animé a beaucoup apporté dans notre BD, pas exactement les points concrets qu’on pourrait penser, comme le mouvement, l’approche du mouvement dans le dessin animé est tout le contraire de la BD ! Dans la BD, vous devez figer, vous devez transmettre le mouvement sur un dessin, un seul… ce dessin n’existerait pas en animation ! Prenez le dessin de la page 13. En animation, il est développé en plusieurs dessins…



SH. : Vous résumez tous ces mouvements en une case ! Il y a des auteurs qui en feraient une page !

J.G. : Mais non, il faut condenser tout ça ! Dans le dessin animé, on décortique le mouvement, on le décompose en plusieurs dessins et aucun dessin ne résume tout le mouvement, est visuel, c’est l’ensemble des dessins qui est important !


SH. : Parlons de Sorcelleries, est-ce une sorte de récréation pour vous ?

J.G. : J’avais envie de faire quelque chose pour les enfants, pour mes enfants et les enfants de Juan. La scénariste est son épouse !


SH. : Pourquoi avoir fait un chat de Blacksad ?

J.D.C. : Pourquoi pas ? Le chat est le stéréotype de l’intelligence, indépendance…



J.G. : (enchaînant) la ruse l’élégance… parfait pour un privé !


SH. : Le renard a à peu près les mêmes qualités et vous en faites le complice du chat ?

Les deux : Weekly n’est pas un renard ! C’est une fouine ! Beaucoup de gens le prennent pour un renard mais ils n’ont pas vu beaucoup de renard (rires).

J.G. : Il y a un renard dans le tome 2… Un renard a des oreilles énormes !


SH. : Qui décide quel animal jouera quel rôle dans vos histoires ?

J.D.C. : Moi je fixe les rôles dans le scénario mais après nous organisons un casting et nous effectuons des changements si le côté graphique est plus intéressant et si la nouvelle idée correspond mieux au caractère du personnage. Voyez Sebastian Little Hand, j’avais prévu un petit singe, un singe hibou…

J.G. : (enchaînant) un singe qui a de très grands yeux, une petite tête bizarre… Moi je cherchais un animal qui collait mieux avec le fait qu’il se droguait…


SH. : Pourquoi avoir fait évoluer Blacksad dans les années 50 ?

J.G. : Quand nous avons discuté de Blacksad au départ, nous avions déjà en tête que cela se passerait en Amérique, mais concernant l époque, plusieurs options s’offraient à nous : les années 30, 40 et bien sûr les années 50 mais aussi, pourquoi pas, l’époque contemporaine…
L’idée de situer l’action à  New York s’est imposé rapidement. Nous avons finalement opté pour les années 50, qui ont d’intéressant le fait que cette époque ressemble encore à notre monde actuel ! Pour nous les années 50 constituaient une époque charnière entre le rétro des années 30, 40 et le monde actuel.


SH. : A qui pensiez-vous lorsque vous avez créé Blacksad le détective ?

J.D.C. : Blacksad ?


SH. : Moi j’aurais opté pour Robert Mitchum…

J.D.C. :  (enthousiaste) Oui !

J.G. : Graphiquement je me suis inspiré de Marlon Brando, son côté monolythique, désabusé... Et puis les personnages interprétés par Humphrey Bogart dans la tradition du polar années 50…

J.D.C. : Blacksad est inspiré de classiques comme Sam Spade, les détectives des romans de Dashiel Hammett et Raymond Chandler. Il est très éloigné de Clint Eastwood. Certes, la scène de la case de la page 13 est très violente mais Blacksad ne fait que se défendre, il réagit quand deux vendeurs de came l’attaquent. Blacksad n’est pas intrinsèquement violent ! Blacksad ne porte pas d’arme sur lui, tout comme Sam Spade dans le "Faucon  maltais". Quand il en a une, c’est parce qu’il l’a piquée à quelqu’un !


(un grand merci à Eva Hoff, l'attachée de presse de Dargaud, sans qui cet interview n'aurait jamais existé)

Shesivan

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