Trois quarts de siècle devant les fourneaux à cuisiner pour une famille nombreuse, ou la savoureuse évocation d’une vie passée à régaler les autres.
C’est une grand-mère comme on aimerait tous avoir, attachante, régnant depuis des décennies sur une famille nombreuse d’enfants, de petits-enfants et arrière-petits-enfants, toujours fidèle derrière ses fourneaux…
Un portrait sympathique dressé par Etienne Gendrin, petites anecdotes se mêlant à la grande histoire, récits drôles, incongrus, touchants, le tout saupoudré de recettes de cuisine et autres souvenirs glanés autour de la table.
L’ouvrage intime d’un jeune auteur qui tout au long de ses 160 pages prouve l’amour d’un petit-fils pour sa grand-mère et, bien entendu, pour sa cuisine.
C’est au festival d’Angoulême 2011 que j’ai tenté ma chance, j’ai fait la file interminable pour proposer mon histoire et je suis revenu avec 4 cartes de visite de grands éditeurs qui voulaient garder de mes nouvelles. J’ai donc continué à travailler, envoyant mes planches aux intéressés. Rapidement deux éditeurs ont jeté l’éponge et il restait Dargaud et Casterman en lice. Dargaud a lâché le projet, m’envoyant dans le 36 ème dessous avant qu’une semaine plus tard Casterman accepte de me publier. Au bout de 70 planches sur les 160…
C’est ma cousine qui m’a soufflé l’idée de l’histoire. Un jour elle m’a dit que ma grand-mère avait un vieux livre dans ses tiroirs : « Cent recettes pour nourrir un régiment ». J’ai demandé l’autorisation à ma grand-mère de raconter son histoire en prenant comme point de départ ce livre de cuisine. Au début elle n’était pas enthousiaste mais elle s’est fait embarquer, pensant que cela allait aider son petit-fils qui démarrait dans la BD ! Mais à condition que cela ne soit pas larmoyant, plutôt rigolo. J’ai vécu chez elle pendant un an et nous avions de longues conversations midi et soir. Pendant cette année j’ai pris 4 kg moi qui au désespoir de ma mère étais maigre comme un clou ! Tout cela grâce à sa bonne cuisine, une cuisine qui n’est pourtant pas exceptionnelle et dont les recettes qu’elle m’a données sont plutôt approximatives, une pincée de ceci, un peu de cela !
A 93 ans, elle est encore verte pour son âge, elle a voyagé beaucoup avant de se poser à Colmar, il y a cinquante ans. Finalement, elle ne sait plus trop où elle est née, sans doute à Toulon, elle a passé son adolescence à Paris, elle est issue d’un milieu intellectuel bourgeois, a vécut dans le sud ouest, dans un vignoble alsacien… C’est une scientifique, toujours très curieuse, elle a rencontré mon grand-père à Paris, pendant qu’elle faisait des études d’agronomie (AGRO), elle avait doublé tous les garçons au concours d’entrée. Mon grand-père n’a eut de cesse d’avoir de meilleures notes qu’elle et quand finalement il a réussi il l’a épousé ! Elle a eu 9 enfants, ainsi qu’un gosse qu’elle a adopté pendant la guerre, une enfant cachée de mère communiste, son père ayant été fusillé.
Elle n’a pas relu la BD car elle n’avait pas envie de m’influencer. Pourtant cela m’aurait intéressé, des retours, des corrections parce que quand elle ne se souvenait plus elle inventait au fur et à mesure, racontant des trucs énormes et parfois pas trop crédibles, elle racontait ses souvenirs à la queue leu leu. Il fallait remettre cela dans l’ordre chronologique. Même classé, l’enjeu était de ne pas perdre le lecteur en racontant tout en vrac.
Elle a quand même lu quelque page, elle a trouvé son nez trop long mais pourtant elle est très fière finalement car ainsi personne ne la reconnaitra à Colmar !
- shesivan
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