La Princesse indienne
Dessinateur : Patrice Pellerin
Editeur: Quadrants

Mon avis
Un album de Patrice Pellerin qui sort, c’est toujours comme un bon film annoncé au cinéma. On attend sa sortie avec courage, impatience, en rongeant son frein (et en lisant d’autres bd), tout en sachant pertinemment que la réussite et la beauté seront très probablement au rendez-vous.
Entamée en 1994, la série prend son temps… puisque l’on compte seulement 10 albums en 26 ans ! Si les cinq premiers paraissent en sept ans, un rythme tout à fait correct pour l’auteur, l’éditeur et ses lecteurs, les 5 albums suivants sortent avec un écart de 3 à 4 ans entre chaque parution (et même presque 5 ans pour ce tome 10 !). C’est que notre auteur s’occupe seul de tout : scénario, dessin et couleurs !
Il se documente énormément avant d’élaborer son scénario, n’hésitant pas également à s’entourer des experts pour se rapprocher au plus près de la réalité historique dans les costumes et les détails architecturaux.

Pour mener à bien son récit, Pellerin a pris la décision de situer son histoire vers 1742-1743, à une époque de paix en France et durant laquelle Louis XV a développé un réseau d’informations très efficaces pour l’époque. Il disposait en effet d’une équipe de chevaucheurs, des cavaliers qui sillonnaient l’Europe pour transporter des missives secrètes dont seul le roi pouvait disposer, à l’insu même de ses propres ministres ! Evidemment, à l’époque cela prenait un certain temps pour transmettre les infos et recevoir des réponses en retour, tout spécialement quand les courriers sont envoyés au-delà de l’océan de la France vers la Nouvelle France (actuel Canada) où les réponses pouvaient prendre jusqu’à 6 mois ! Pour ne pas perdre le lecteur dans des lenteurs, Pellerin alterne les histoires à Versailles et au Canada, passant de l’une à l’autre notamment via les courriers échangés entre le gouverneur et le ministre Maurepas. On suit aussi la destinée d’Agnès mariée de force au marquis de Beaucourt, et le complot qui règne pour faire échouer la mission de Yann de Kermeur, chargé de transmettre les ordres du roi Louis XV au gouverneur général de la nouvelle France Charles de Beauharnois et de convoyer la princesse Mali au Canada.
Issu de l’école des Beaux-Arts de Reims en 1973, Patrice Pellerin n’a de cesse de peaufiner son trait, il dessine avec un soin, une rigueur et une méticulosité extrême. Chaque case fourmille de détails et rien n’est bâclé. Ainsi par exemple la forteresse de Louisbourg en Acadie, dont la reproduction par Pellerin m’a réellement fait penser à Fort Levis que j’ai eu l’occasion de visiter au Canada : seule différence, mais notable, Louisbourg était une forteresse française, Levis une forteresse anglaise, mais le même principe de défense maritime y prévaut. Les bâtiments du port de Louisbourg et de Kerjean en Bretagne sont reproduits avec minutie dans leurs détails architecturaux ; les appartements royaux à Versailles, la chambre de Roi où les détails fourmillent, même les tapisseries et les tableaux sont reproduits à la perfection ; les costumes et les scènes de navire, moins présentes dans ce tome où l’intrigue se jour plutôt à terre, mais où à nouveau la précision est le maître-mot !
Bref, encore une fois, un travail d’orfèvre dont la précision explique le temps de réalisation et qui compense largement l’attente. Évidemment, heureusement que le public est au rendez-vous et que l’éditeur le comprenne pour permettre à l’auteur de prendre son temps justement. Par le passé, certains auteurs ont parfois eu des gros soucis à ce sujet, on se souvient notamment de Bourgeon qui a dû livrer une joute juridique contre son éditeur Casterman pour justifier de la lenteur à produire ses albums, l’un arguant de son droit de création et d’artiste, le second exigeant que sorte un album plus rapidement sous peine d’astreinte financière !
Il reste encore 2 albums à paraître pour conclure ce second cycle, le lecteur devra donc encore patienter probablement jusque 2027 pour connaitre enfin le dénouement des intrigues mises en place !
Pour les amateurs, il existe aussi une version en noir et blanc
Maroulf