Aylissa
Dessinateur : Paul Teng
Scénariste : Jean Dufaux
Coloriste : Bérengère Marquebreucq
Editeur: Dargaud
En guise de préface, par le scénariste…
À nouveau, Sioban ! Encore et toujours Sioban.
Sans doute ne m'a-t-elle jamais quitté alors que je travaillais sur les autres cycles de la Complainte.
Tout partait de Sioban, cette jeune femme que Grzegorz Rosinski et moi-mème sûmes identifier et mettre en scène dans cette saga, cette légende retrouvée des Landes
perdues.
Il y eut ce premier cycle qui lui fut consacré, 4 tomes avec Rosinski, puis ce fut la découverte des Moriganes, ces sorcières qui infestèrent l'ile avant l'arrivée des Sudenne, la famille de Sioban.
Ici aussi, 4 tomes (le cycle des Chevaliers du Pardon) virent le jour avec le regretté Philippe Delaby et celui qui fut son élève - tout cela se perdant dans le temps -,Jérémy.
Enfin, un troisième cycle, celui des Sorcières, remonte plus loin encore dans le passé et se consacre à l'origine de ce Mal qui devait s'emparer de l'ile de l'Eruin Dulea, l'ile des Landes perdues. Un Mal, ses charmes et ses tentations, qui vint du continent, là où différentes grandes familles se disputaient le pouvoir jusqu'à sombrer dans la folie.
Ce cycle verra arriver bientôt un troisième (et avant-dernier) tome dessiné par Béatrice Tillier, avec cette magie qui lui est particulière et qui ajoute ses couleurs à un ensemble dont je n'avais certes pas prévu les dimensions alors que je commençais l'écriture du premier Sioban.
Je me suis déjà exprimé à ce sujet, je partais d'un personnage, Sioban, pour découvrir, lors de mon travail et d'un voyage en Écosse, un pays, une lande et ses écrits anciens.
C'était comme une carte qui ne cessait de se déployer pour m'indiquer qu'il restait bien des mystères encore à découvrir, bien des secrets familiaux qu'il me fallait exhumer si je voulais retracer dans sa vérité ce bout de terre perdu dans la mémoire du passé.
Avec Béatrice Tillier, la boucle semblait se fermer.
C'était compter sans Sioban. Encore et toujours Sioban.
Car, tandis que je m'éloignais de sa famille, de ces Sudenne qui parvinrent à établir leur autorité sur l'ile, elle, en vrai personnage de légende, ne cessait d'enrichir son épopée par de nombreux faits et péripéties dont il me revenait, par moments, des bribes, des bouts d'informations, contradictoires parfois.
Elle avait pris vie comme tous ces personnages que l'on croit inventer et qui se sont, en fait, simplement mais durablement imposés à nous.
Que devenait Sioban ? Avait-elle su vaincre ce Mal qui se loge au cœur de l'amour ?
Avait-elle gardé à ses côtés son fidèle Seamus ? Tant d'autres questions dont je commençais à entrevoir les réponses, encore fallait-il trouver le dessinateur capable de se confronter à ce monde perdu aux résonances si contemporaines cependant par ses déchirements, cette fatalité qui veut que jamais rien n'est vraiment défini, ni ombre, ni lumière, ni mal, ni bien.
Il faut des rencontres heureuses dans ce métier, sinon l'on n'y survit pas.
Et Paul Teng, assurément, en fut une. Pas immédiate ; dans un premier temps, je n'avais pas songé à lui. Mais il a réussi à s'imposer, avec la discrétion qui le caractérise, par son talent et son professionnalisme. Mieux, par une adéquation forte au sujet proposé comme si cette rencontre avait dû se faire.
Et c'est ainsi que je me trouve, d'une part, à terminer le cycle des Sorcières avec Béatrice Tillier, le cycle des Origines et, d'autre part, à reprendre en main, avec Paul Teng, le destin de Sioban dans ce qu'il a de nouveau à nous offrir.
Car le propre des légendes, c'est qu'elles ne cessent de se développer, de vivre, de surprendre. De s'interpréter surtout, le lecteur y entrelaçant ses fantasmes à ceux de l'auteur.
Mais n'est-il pas présomptueux de se prétendre « l'auteur » de Sioban?
Sa part de vérité n'est-elle pas justement dans ce qui m'échappe, dans ce qui nous échappe ?
À l'heure où les dragons ne se dressent pas devant nous, mais EN nous..
Je me pose la question...
Jean Dufaux. Janvier 2021
Précédemment, dans l’arc des Sudennes…
Sioban, la reine des Sudenne, rend visite à son oncle paternel. Elle rencontre à cette occasion Aylissa, sa cousine. Mais le fidèle Seamus la met en garde : la jeune femme n'aurait pas toute sa tête… Et en effet, lors d'une promenade à cheval, Aylissa franchit un ravin et défie Sioban de faire de même.
Celle-ci échoue et tombe dans le précipice. Miraculeusement indemne, elle est perdue au milieu de nulle part. Un homme lui porte secours, mais elle découvre que son sauveur est un O'Kallan - ce clan qui est tenu pour responsable de la mort de son père.
Bannis, ces hommes vivent reclus dans un réseau de grottes, là où se terre aussi un monstre. Sioban l'ignore encore, mais elle a rendez-vous avec son destin…
L’histoire de ce second opus, en quelques lignes…
À peine son union avec Aylissa – du clan des Sudenne – est-elle célébrée que Sobold – chef des Greenwald – trouve la mort dans les bras de son épouse.
Ce décès brutal et suspect sème la colère parmi ses hommes. Il faut toute la force de persuasion de Sioban pour ramener le calme. Car la cheffe des Sudenne, qui a ouvert la Porte des gardiens et détient désormais le Harfingg, n’aspire qu’à la paix entre les clans.
Mais sa cousine Aylissa, séductrice et manipulatrice, n’a qu’un seul désir : prendre le pouvoir.
Ni Sioban ni Seamus ne mesurent encore l’avidité de la jeune femme.
Pour l’heure, il faut prendre les armes et se préparer à l’attaque imminente des Sacrifiés, car l’affrontement est inévitable...
Ce qu’on en a pensé en quelques lignes…
Dans ce deuxième tome du quatrième cycle de « La Complainte des landes perdues », Jean Dufaux et Paul Teng composent une fresque ambitieuse, entre scènes d'action spectaculaires et exploration de la psychologie, parfois tortueuse, des personnages de cette saga haute en couleur.
On perçoit aussi l’influence des séries actuelles telles Games of Thrones, en nous offrant des scènes plus en phase avec l’héroïc Fantasy de ces 2 dernières décennies. Pour preuve, on pourra citer en exemple l’incroyable place laissée aux femmes, qui revendiquent ouvertement le commandement des différentes factions en usant de toutes les armes dont elles disposent, ou encore le combat avec un dragon…
Pour autant, Jean Dufaux n’est pas tombé dans la facilité et tant le duel entre Sioban et le sacrifié que la méthode employée pour vaincre le Niddhog révèlent bien des surprises.
Le personnage de Seamus, guerrier du pardon, est toujours aussi travaillé et ses interventions toujours prégnantes de sagesse : « Il nous faut avancer et ne pas toujours évoquer le passé et ses erreurs sinon les eaux noirâtres de l'amertume nous engloutiront ! » La seconde moitié de cet album lui est d’ailleurs consacré, à son corps et âme défendant malheureusement…
Un autre aspect de cette série est l’ambiance qui se dégage de ses planches. Si l’on était fan du travail de Rosinsky puis de Delaby et de Tillier sur les 3 premiers cycles, on reste moins attiré visuellement par le style propre de Paul Teng, trop chargé à notre goût ou parfois trop peu détaillé sur certains visages. Néanmoins, lorsque l’on contemple les planches finies de ce 4ème cycle, on ressent une réelle harmonie entre le style du dessinateur avec la mise en couleurs de Bérengère Marquebreucq…. Un peu comme si les planches en noir & blanc avaient été conçues pour ne délivrer leur plein éclat qu’une fois être passées sur l’autel de la coloriste ….
Ce type d’alchimie est suffisamment rare que pour être mentionné ; on est bien loin des simples aplats « industriels » ou des dégradés photoshoppés !
2 derniers tomes donc sont attendus pour clore le chapitre des Sudenne. Nous suivrons toujours avec grand intérêt cette belle et sombre complainte, chantée & relatée par l’un de nos plus grands raconteurs d’histoires !
Pour en savoir (encore !) + …
Qui est Jean Dufaux ?
Du thriller à l'aventure historique et au récit fantastique, Jean Dufaux est l'auteur d'une œuvre foisonnante et variée. Il compte à son actif de nombreuses séries majeures de la bande dessinée, dont Complainte des landes perdues, Murena, Djinn, Double masque ou encore Barracuda.
En 2020 est sorti Le Cri du moloch, second tome de l'histoire de Blake et Mortimer qu'il a imaginée. Après Céline et Jean de la Varenne, Jean Dufaux vient de consacrer un album à l'adaptation d'Un Roi sans Divertissement de Giono paru aux éditions Futuropolis avec Jacques Terpant au dessin.
Qui est Paul Teng ?
Paul Teng abandonne ses études d'anthropologie culturelle pour se consacrer à la bande dessinée. Il signe seul ses premières histoires, dont le western Delgadito. Il privilégie ensuite le dessin et met en images les cinq épisodes de Shane, de Jean-François Di Giorgio, et de L'Ordre impair, de Christina Cuadra et Rudi Miel, mais aussi Le Télescope, de Jean Van Hamme, et Livingstone, de Rodolphe. Entre-temps, il reprend le dessin de Jhen, la saga de Jacques Martin. En 2017 et 2018, les quatre tomes de Delgadito paraissent en français.
En 2021, il signe, avec Jean Dufaux, le premier tome du cycle 4 de Complainte
des landes perdues.