Le pigeon voyageur
Série: Les petits soldats #1
Auteurs: Julien Delval, Jean-Paul Krassinsky
Editeur BD: Vents d'Ouest
Une chronique BD: Génération BD
L’histoire
Elle plante son décor en plein milieu du 19ème siècle dans un pays, la Czisletovie, qui, sauf lacune grave en géo de votre dévoué (n’hésitez pas à me le signaler via le site!), est imaginaire (comme l’était la Syldavie d’Hergé dans le Sceptre d’Ottokar), mais qu’on devine en Europe.
Le héros, c’est Frantz, jeune poète désargenté, transi d’amour pour Héloïse, serveuse dans l’estaminet, « le Pigeon Voyageur », qu’il fréquente régulièrement. Pas de chance pour lui, il n’est pas le seul « sur le coup ». Friedrich la convoite lui aussi. Amis, ils vont se lancer un défi : c’est à qui emportera le premier son cœur (au sens figuré rassurez vous, pas de bain de sang à l’horizon!).
Entre les deux prétendants, le cœur d’Héloïse semble balancer. Frantz, avec son charme singulier et son petit air décalé prend toutefois l’avantage. Il a la victoire à portée de lèvres quand un client de l’établissement, affolé, annonce la terrible nouvelle : Sigismond, nouvel et tout jeune empereur, vient de déclarer la guerre à la puissante Dalmaszie, pays voisin réputé pacifique.
Cet événement inattendu va jeter aux orties les espoirs amoureux de Frantz. Avec la légèreté des poètes qui le caractérise, il ne prend nullement conscience de la gravité de la situation. Si la conquête du cœur d’Héloïse le tentait, celle de territoires, en revanche, c’est très peu pour lui. Il est donc bien résolu à résister aux conscripteurs (ressemblant pour l’occasion comme deux gouttes d’armagnac aux détraqueurs d’Azkaban tant redoutés par Harry Potter) qui arpentent sans relâche les rues pour embarquer à tout va les hommes en âge d’aller combattre.
Comme le chantait si bien Boris Vian, il va donc déserter. Enfin, pas tout à fait. Engagé par le music meister de la Kulturkommandatur, il va se retrouver chargé d’une mission…
Mon avis
Comme souvent, plusieurs fils conducteurs vont se croiser. Mais toujours avec souplesse. Pas de nœud à démêler en se creusant les méninges. Tout est ici limpide et clair. Un peu trop? Peut-être. Pour se prononcer, il faut vraiment attendre ce que nous réserve la suite de ce diptyque.
Plus que jamais, il y a plusieurs degrés de lecture et de clins d’œil à une histoire politique, parfois contemporaine. Le ton est caustique, les dessins souvent féroces (aux frontières de la caricature), les dialogues enlevés (comme ces tirades de Frantz qui sonnent toujours justes) et, ici et là, des notes d’humour (juste ce qu’il faut) pour compléter la partition et la rendre harmonieuse.
Le tandem Krassinsky-Delval s’avère, avant tout, et c’est la meilleure surprise de l’album, un formidable créateur d’ambiance. L’histoire, entraînante, n’a, certes, rien d’incroyablement originale, mais quelle atmosphère!
Cet estaminet, par exemple, où se retrouvent Héloïse, Frantz et Friedrich, on a, dès les premiers instants, l’impression d’y être assis, d’en sentir les odeurs de tabac et d’alcool. On se surprend à réfléchir à la commande qu’on va passer à la jolie Héloïse.
Cette réussite tient principalement au dessin empreint de légèreté (pour traiter pourtant de thèmes guère joyeux, tels l’enrôlement de soldats et la rupture amoureuse). Des cases souvent fort sombres, mais dont se dégage toujours une vraie luminosité.
Vivement la suite (et déjà fin!) dans le second volume…
Vds