Xavier Dorison et Ralph Meyer parlent d'ASGARD, leur saga Viking

asgardAprès la Mangouste, premier personnage de la série dérivé de XIII, Xavier Dorison quitte les pirates (Long John Silver), le western (W.E.S.T.) et le steampunk (Les Sentinelles) pour nous présenter une saga viking en compagnie de Ralph Meyer qui délaisse le polar (Berceuse assassine) et la SF (Ian). Une vraie chasse aux monstres mais qui cache d’autres monstres qui se cachent à l’intérieur de nous, qui nous hantent et qui sont les plus difficiles à vaincre. Les cadrages expressionnistes, « à la comix » de Meyer couplés au scénario coup de poing et coup de gueule de Dorison font merveille.

Shesivan : D’où est venue l’idée de créer « Asgard » ?
Xavier Dorison : D’une envie très simple : imaginer des vikings dans leur land, confrontés à une créature sous-marine qui va leur causer des problèmes. Nous nous sommes laissés fantasmer, quel personnage générer, partir en ébullition, commencer la trame de l’histoire, la trame des personnages... J’avais envie de raconter l’histoire d’un guerrier très puissant et qui n’assume pas ce qu’il est.
Shesivan : C’est une constante qui revient dans vos scénarii, non ?
Xavier Dorison : C’est une façon inconsciente, je ne crois pas me répéter mais réitérer des schémas. Je me sens victime de ces dualités : j’ai à la fois l’envie d’être un père de famille et de réussir en tant que scénariste, j’ai envie d’une vie calme et sereine mais j’adore quand tout bouge ! On est tous dans ces dualités là et cela se retrouve dans mes personnages…
Shesivan : Pourquoi avoir choisi Ralph Meyer ?
Xavier Dorison : C’était le seul disponible. Il y avait une promo, les soldes !
Ralph Meyer : C’est moi qui ai pleuré le plus fort pour avoir le projet ! On avait travaillé ensemble sur le XIII et on s’était apprécié. Un album de BD c’est long et quand vous arrivez à faire ce voyage avec quelqu’un avec qui cela se passe bien on a envie de recommencer.
Xavier Dorison : J’adore le graphisme très puissant de Meyer, son réalisme, son surréalisme, la façon dont il voit la réalité, sa fluidité. Tout à l’air évident pour lui, j’adore les BD qui se lisent simplement.
Ralph Meyer : On travaille beaucoup main dans la main sur tout le processus et on va dans la même direction. Après on cherche les options les plus efficaces et le meilleur moyen d’y arriver. Il n’y a pas de problème d’ego, nous sommes dans la volonté d’avoir le côté qualitatif le plus important par rapport à l’album. Cette histoire de vikings me permettait de quitter mes univers contemporains, un vrai bonheur. A la lecteur du scénario j’ai eu des réminiscences de mes lectures d’enfance comme Jack London.
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Shesivan : Et question documentation ?
Ralph Meyer : Je me suis documenté pour l’iconographie et j’ai rassemblé beaucoup de photos sur les fjords, histoire de m’imprégner pour qu’à partir de la mise en scène, j’ai du choix mentalement au niveau de l’image et de l’organisation. LesVikings n’étaient pas un peuple de grosses brutes, c’était d’excellents marins qui peignaient, qui sculptaient…
Xavier Dorison , vous êtes un Lovecraftien ?
Xavier Dorison : Non, pas tant que cela ! Tout l’univers de Lovecraft est très démesuré, titanesque ! Je vais souvent dans des choses qui sont plus mesurées, plus contrôlées. Les histoires de Lovecraft sont des rêves avec une trame très légère, j’ai des trames plus structurées à l’inverse des présences fantastiques moins présentes.
Je n’ai pas inventé toute la cosmogonie de Asgard, elle existait. Ils ont la trouille du Kraken, le serpent monde. J’ai puisé dans les légendes vikings et si vous voulez connaître la fin de l’histoire il vous suffira de les lire !
Ralph et moi avons quelques projets sur le feu après ce diptyque. Nous avons le luxe de pouvoir nous laisser guider par notre plaisir, alors autant l’utiliser ! Quand on y pense, qu à l’échelle de la planète on se dit qu’on veut raconter l’histoire qu’on a envie de raconter et cela sans autre contrainte ! Au Japon, le manga est une industrie, Aux USA avant d’écrire la moindre histoire il faut la soumettre à l’éditeur. Nous avons une chance incroyable, qui fait que la BD reste un laboratoire d’idées, alors ce serait dommage de s’en priver. Au nom de quoi ?
Shesivan : Vous vous sentez comme des dieux ?
Xavier Dorison : Dans les univers de papier qu’on créé, oui ! Après, on fait la différence entre fiction et réalité…
Ralph Meyer : J’aime beaucoup le polar parce que c’est un genre et que dans ce genre-là on peut raconter des histoires de vraies personnes.
Shesivan : Vous créez quand même souvent des personnages hors normes ?
Ralph Meyer : Je ne trouve pas, non !
Shesivan : Et Ian ?
Ralph Meyer : Oui mais, Ian est un robot !
Shesivan : Mais à la fin vous le « terminez » ! Pas un un seul n’aurait imaginé une fin pareille !
Xavier Dorison : En plus pas dans la dentelle !
Ralph Meyer : Fini. Point barre !
Shesivan : Comment cela se fait que Van Hamme a pensé à vous pour XIII ?
Xavier Dorison : C’est Schlirf le grand manipulateur, il a proposé nos noms à Vance et Van Hamme et eux ont décidé du projet !
Ralph Meyer : J’étais ravi !
Xavier Dorison : Oui, un rêve de gosse ! Il y presque 15 ans, alors que j’étais étudiant j’avais organisé un festival de BD et j’avais rencontré Van Hamme pour l’accompagner en tant qu’organisateur. Savoir que quinze ans après je ferai un XIII, c’est un des plus grands rêves de gosse que j’ai réalisé !
Ralph Meyer : C’était chouette, j’ai suivi les premiers XIII étant ado, ils m’avaient marqués.
Xavier Dorison : Schlirf ne nous a pas obligé mais il nous a poussé à prendre la Mangouste, on n’avait pas le droit de prendre Jones ni le colonel Amos et Carrington.
Ralph Meyer : Moi j’ai directement choisi la Mangouste. Je ne savais pas que Xavier travaillait dessus !
Xavier Dorison : Ah bon, tu as d’abord choisi un personnage ? C’est marrant ça !
Shesivan : En parlant de Van Hamme, si on évoquait Thorgal ?
Xavier Dorison : Non, nous n’y avons pas pensé, mais le problème avec le monde des vikings en BD c’est qu’il n’y a que Thorgal, alors c’est inévitablement la référence. Finalement si on avait fait un western on ne nous aurait pas parlé tout le temps de Boucq ou de Blueberry. Il y a beaucoup plus de référence sur le monde du western que sur le monde des vikings. Mais on l’a lu et on l’adore mais le regard porté sur l’univers d’Asgard est très différent, plus réaliste, plus âpre et moins fantastique. Thorgal c’est les extra-terrestres, les incas magiques, le merveilleux ! Là où Van Hamme est génial est qu’il réussi à faire tenir quelque chose qui objectivement sur le papier ne tient pas : Thorgal, fils des étoiles, extraterrestre dans un univers magique de vikings, cela ne tient pas une seconde sur le papier mais lui en fait des histoires géniales !
On attribue souvent une structure narrative à un univers, mais autant l’univers est bien celui que vous découvrez, autant la structure est plus celle d’une chasse aux monstres, à Moby Dick, aux Dents de la mer… C’est le genre d’histoires dans lesquelles on est, mais cela ne se passe pas en 1800 ni dans les années 70, mais pour nous cela se passe en l’an 800 en Scandinavie !
Expo Asgard à la Gallery du CBBD du 06-03 au 22-04-2012.
Shesivan

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