Le ciel pour conquête
Série: Le ciel pour conquête, Tome 0
Dessinateur : Yudori
Scénariste : Yudori
Editeur: Delcourt
Nous sommes au seizième siècle. Amélie, issue d’une famille noble déchue, est mariée à Hans, un commerçant hollandais assez nanti. Selon les traditions hollandaises, la femme, même maîtresse de maison, participe aux tâches ménagères tout comme les autres domestiques.
Maître Hans, comme son nom l’indique, règne en maître dans la maison, « honorant » de manière régulière sa femme par-derrière… Les seuls moments de vacances pour Amélie sont ceux où son mari est absent et où elle peut s’adonner à sa passion pour l’étude de tout ce qui vole.
Lorsque son mai part pour affaires pendant un an, c’est le paradis sur terre pour Amélie, mais le choc est rude lorsqu’il revient, car maître HANS a ramené une maîtresse nommée Sahara de son périple (une jeune esclave orientale). De cette manière, il désavoue son épouse, mais celle-ci en retire le bénéfice de ne plus se faire honorer par son mari. Si au départ, Amélie méprise Sahara, elle va progressivement ressentir des sentiments troubles par rapport à elle et les deux femmes vont se rapprocher. Amélie va avoir le projet de construire une montgolfière pour s’enfuir de chez Hans et ramener Sahara parmi les siens…
Alors que les affaires de Hans périclitent et qu’il est au bord de la faillite, la découverte du projet de montgolfière qu’il conçoit comme une machine de guerre contre les Britanniques va lui permettre de renflouer ses caisses, mais Amélie ne supporte pas que son projet soit détourné et en revendique sa paternité à la grande contrariété de maître Hans qui décide de l’emprisonner à vie dans le grenier.
Lorsque maître Hans fera une démonstration du prototype de la première montgolfière, l’envol ne sera peut-être pas pour celui auquel on pense…Yudori est une artiste coréenne (très connue là-bas) qui développe un sujet qui la tient à cœur : un univers féminin et féministe dans une société qui laisse très peu de place aux femmes. Par le combat d’Amélie pour atteindre son rêve (arriver à voler) et son sentiment d’être l’instrument de son mari (pour ne pas dire son objet sexuel), l’auteure évoque les différents sentiments que peuvent susciter cette situation : de la colère, de la culpabilité, de la révolte…
Par son dessin réaliste et son contexte historique, on se trouve dans cette frontière floue entre le manga et la bande dessinée dite « classique ». Le réalisme de certains décors et personnages tranche avec des planches beaucoup plus identifiables à un manga (le fait que l’auteure est coréenne penche cependant pour classer cette bande dessinée dans cette seconde catégorie).
Le personnage d’Amélie est particulièrement intéressant à suivre, on devine toute sa frustration et sa souffrance, mais aussi sa volonté de vivre son rêve jusqu’au bout et de combattre les règles préétablies. La relation trouble avec Sahara n’est finalement qu’esquissée et il est difficile de déterminer jusqu’où Sahara est un réel soutien pour Amélie…
C’est donc finalement une histoire très actuelle que celle qui se passe au seizième siècle avec le fait que Hans avait l’excuse d’une expérience d’un mouvement féministe nettement moins affirmé qu’aujourd’hui !