Malaterre
Dessinateur : Pierre-Henry Gomont
Scénariste : Pierre-Henry Gomont
Coloriste : Pierre-Henry Gomont
Editeur: Dargaud
Gabriel Lessaffre est un homme qui ne connaît pas les limites. Né dans une famille bourgeise dont il ne respecte aucune convention (il fait l’école buissonière, fréquente les prostituées, fume et boit dès son plus jeune âge. Toutes les tentatives pour le remettre sur le droit chemin n’auront aucun effet.
Devenu adulte (physiquement à déaut de mentalement), Gabriel s’éprend de Claudia avec qui il a trois enfants : Mathilde, Simon et Martin. Mais ce moment très court de sagesse passe très vite car Gabriel repart à la conquête des bars et des dames qui les fréquentent. Cela entraîne une séparation avec Claudia et pendant 5 ans la mère et les enfants n’ont plus de nouvelles de leur père.
A son retour, Gabriel joue au jeu de la séduction avec ses enfants, leurs offrant monts et merveilles. Par ce stratagème, il obtient la garde des deux aînés au grand dam de Claudia mais la déconvenue ne s’arrête pas là, quelques semaines plus tard Claudia apprend que Gabriel est parti en Afrique où se trouve le domaine, une vaste propriété délabrée en pleine brousse.
Pour les enfants, l’excitation de la découverte africaine va aller de pair avec une certain déconvenue par rapport à leur père ; celui-ci ne les laissant vivre avec lui au domaine mais bien dans une ville assez éloignée afin que soit assurée leur scolarité. Seul dans un appartement, Mathilde et Simon auront beau jeu de profiter de cette liberté pour organiser des fêtes chez eux, allant même jusqu’à conduire la voiture de leur paternel à son insu.
Si l’on passe l’épisode de l’enquête sociale pour voir si les enfants allaient bien (où Gabriel élabora toute une stratégie pour la rendre positive) et une cérémonie ratée rassemblement le gratin pour essayer de lever des fonds, Gabriel s’enfonçait dans sa fuite en avant, l’alcool n’aidant pas…
Pierre-Henry Gomont trace une période de vie familiale assez agitée qui parait-il serait en partie autobiographique. C’est peut-être la raison qui fait que l’on peut trouver le personnage du père, Gabriel, exécrable et odieux tout en ne le détestant pas vraiment. Si l’auteur a eu effectivement un père dont la personnalité ressemblait à ce personnage, on peut comprendre qu’il a voulu réaliser un travail un peu exutoire…
La manière dont Gabriel manipule ses enfants et les entraîne dans des aventures aléatoires est dans la lignée de sa vie depuis sa jeunesse, foncer comme un chien fou en avant, sans se soucier des conséquences ou des principes. On peut avoir une certaine forme d’admiration par la manière dont cet homme haut en couleurs se joue des normes en places mais on a aussi l’impression qu’il s’agit d’un homme surtout égocentrique, obnubilé par son projet insensé de remettre à neuf un domaine en ruine…
Je pense que c’est cela qui fait l’intérêt principal de ce récit, tous les autres personnages subissent en quelque sorte les extravagances de Gabriel, y compris ses enfants. La fin de Gabriel est quelque part logique, à force de vivre à cent à l’heure, on finit par se crasher physiquement…
Une seconde source d’intérêt de ce livre est pour moi le style graphique assez particulier de l’auteur, un trait assez haché, un peu torturé à l’image de ce père ravagé et agité. Cela renforce la dynamique du récit.
Cet album mérite donc le détour pour plusieurs aspects. Je suis certain qu’il pourrait même être exploité par un assistant en psychologie qui proposerait des études de cas à ses étudiants. Je ne suis pas certain qu’une famille sorte indemne d’une telle aventure. En tous les cas, il lui faudra du temps pour dépasser tout cela… Chapeau à l’auteur qui présente une histoire à la fois très juste mais également très travaillée d’un point de vue graphique !